Février 2019, la loi 62-17 sur la tutelle administrative sur les communautés ethniques et la gestion de leurs terres est promulguée. Le mouvement associatif jubile. L’injustice envers les femmes qui n’avaient pas accès à la propriété des terres soulaliyates est enfin levée. Pour le mouvement associatif, surtout dans sa branche dédiée aux droits des femmes, cette loi est une avancée qui mettra fin à des décennies de droit coutumier (l’ôrf) selon lequel l’accès à la propriété des terres collectives était réservé exclusivement aux hommes, commente l’hebdomadaire La Vie éco dans son numéro du vendredi 10 décembre.
C’est une loi d’autant plus avancée, en termes de droits économiques et sociaux des femmes, que son décret d’application a eu l’effet d’une douche froide aussi bien pour les intéressées que pour les associations de la société civile. Dans son article 1, le décret conditionne, en effet, le statut d’appartenance à la collectivité au critère de résidence dans celle-ci, relève l’hebdomadaire.
«C’est un critère problématique, car il est en contradiction avec l’article 6 de la loi 62-17, d’une part, et, d’autre part, il ne peut être rempli par un grand nombre de femmes soulaliyates qui ne vivent plus sur ces terres collectives, parce qu’elles n’ont pas de logement, parce qu’elles ont quitté leur collectivité pour cause de mariage, d’études ou de travail!», s’indigne Rabéa Naciri, citée par La Vie éco. Pour cette membre de l’ADFM (Association démocratique des femmes du Maroc), «le critère de résidence n’est pas bien défini dans le texte d’application qui introduit un concept moderne pour une situation qui ne l’est pas du tout».
Ainsi, poursuit l’hebdomadaire, du fait de ce critère de résidence, la situation devient de plus en plus compliquée pour les soulaliyates. Cela d’autant, observe La Vie éco, que l’application de la loi, en elle-même, diffère d’une région à l’autre. Dans certaines régions, le droit coutumier est toujours appliqué, continuant ainsi de priver les femmes du droit de propriété, dans d’autres régions, la loi 62-17 de 2019 est appliquée sans tenir compte de ce critère de résidence alors que dans d’autres encore ce critère est exigible.
Les associations des femmes soulaliyates, poursuit l’hebdomadaire, reprennent donc leur plaidoyer. Elles viennent de lancer, à nouveau, une campagne de communication pour une large sensibilisation à cette problématique. Cette campagne de contestation, qui devrait durer plusieurs jours, a pour objectif d’informer et de sensibiliser les pouvoirs publics, ainsi que le grand public à la situation actuelle des femmes soulaliyates.
L’hebdomadaire souligne, enfin, que grâce à cette nouvelle loi, les ayants-droits, hommes et femmes, qui n’avaient jusque-là qu’un droit de jouissance sur leurs terres, pourront désormais devenir propriétaires de ces terres. D’après des statistiques du ministère de l’Intérieur, reprises par le journal, 4.631 collectivités ethniques et près de 10 millions de personnes sont concernées. Des données qui devraient, par ailleurs, être actualisées à l’issue d’un recensement en cours.