La querelle récurrente entre les propriétaires de taxis et les chauffeurs opérant via des applications de transport intelligentes a refait surface avec une intensité renouvelée, en concomitance avec le lancement de la Coupe d’Afrique des nations de football organisée au Maroc. Cette résurgence intervient à la suite des déclarations d’Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, devant la Chambre des représentants, déclarations dans lesquelles il a laissé entendre que l’État s’orientait vers l’accompagnement des transformations numériques et l’encadrement futur de ce mode de transport.
En affirmant que, «demain, il y aura des applications et on ne peut pas ne pas suivre l’époque», le ministre a ravivé un dossier resté pendant des années en suspens, cristallisant de profondes divisions au sein des professionnels du secteur. D’un côté, certains estiment que la régulation des applications de transport est devenue une nécessité incontournable, imposée par les mutations mondiales et les nouvelles habitudes de mobilité. De l’autre, une frange importante y voit une menace directe pour un cadre juridique existant et pour des acquis professionnels construits au fil des décennies par les exploitants de taxis, écrit le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce jeudi 25 décembre.
Ce débat prend une dimension particulière dans un contexte exceptionnel marqué par l’afflux de milliers de visiteurs étrangers dans les villes hôtes de la Coupe d’Afrique des nations. Ces derniers recourent de plus en plus aux applications de transport, jugées plus transparentes en matière de tarification et plus simples d’accès. Une tendance qui alimente la tension sur le terrain et accentue le sentiment de concurrence jugée déloyale par les professionnels du taxi.
Dans ce climat, des responsables syndicaux du secteur des taxis ont exprimé leur rejet catégorique de toute orientation visant à légaliser le transport via des applications utilisant des véhicules particuliers. Abdelilah Hafidi, secrétaire régional d’un syndicat de taxis, souligne que les professionnels «ne sont ni contre la modernisation ni contre la numérisation», mais qu’ils refusent que ces évolutions se fassent à leur détriment ou en dehors du cadre légal qui régit la profession.
Selon lui, toute réflexion sur la régulation des applications devrait d’abord passer par une réforme globale du secteur des taxis, incluant la régularisation de la situation des professionnels, la révision du système des autorisations et la mise à niveau des conditions d’exercice. À défaut, prévient-il, l’ouverture à ce nouveau mode de transport risque de créer une nouvelle forme de désordre qui porterait atteinte à la stabilité sociale déjà fragile du secteur.
Un autre responsable syndical estime que la situation actuelle est le résultat direct de longues années d’hésitation gouvernementale et d’un manque de vision claire, rapporte Al Akhbar. Il met en garde contre les conséquences d’une éventuelle légalisation des applications reposant sur des voitures privées, qu’il considère comme une violation manifeste du code de la route et de la législation sur le transport routier. Une telle décision, selon lui, pourrait engendrer un climat de tension sociale difficilement maîtrisable.
Ce même responsable insiste sur le fait que les professionnels du taxi ne sauraient être tenus pour responsables de la préférence exprimée par certains visiteurs étrangers pour les applications numériques. Le véritable problème, affirme-t-il, réside dans l’absence de qualification, de soutien institutionnel et de réformes structurelles profondes, laissant le secteur faire face seul à des défis multiples dans un environnement en pleine mutation.






