Le surpeuplement dont souffrent les établissements pénitentiaires au Maroc relance le débat sur les possibilités et les perspectives d’application des peines alternatives. Un projet de loi sur l’instauration des ces peines alternatives à l’emprisonnement a en effet été déposé par le ministère de la Justice et des Libertés au Parlement. Dans le cas d’espèce, il apparaît à l’évidence que le Maroc fait figure de «novice» au regard de l’expérience accumulée par des pays situées de l’autre côté de la rive sud de la mare nostrum.
Le Danemark, un modèle européen en la matière, coopère déjà avec les autorités marocaines dans la perspective de la mise en oeuvre des peines alternatives. Un voyage de presse a été organisé, du 4 au 9 septembre à Copenhague, par l’ambassade du royaume du Danemark au Maroc pour faire découvrir l’expérience danoise. Des visites guidées ont été organisées au profit de journalistes marocains pour s’enquérir sur place de cette expérience instaurée, il faut bien le noter, au tout début des années quatre-vingt.
Beaucoup d’eau a donc coulé sous les ponts (trois décennies), et le résultat était bel et bien au rendez-vous. Les chiffres sont on ne peut plus éloquents. «83% des personnes condamnées à des peines alternatives, dont les travaux d’intérêt général, ne renouent pas avec les délits», font valoir les autorités de tutelle, précisant que «le taux de récidive atteint à peine 17%»!
A la question de savoir «à quels genres de délits s’appliquent généralement les peines alternatives», les responsables danois en avancent deux qui seraient récurrents: «la conduite en état d’ébriété» et «actes de violence»!
Deux délits qui, vus de ce côté, sont monnaie courante et qui peuvent être revus à la baisse en cas de mise en oeuvre des peines alternatives, notamment les travaux d’intérêt général.
Travaux d’intérêt général, une alternative à la prisonLe travail d’intérêt général (TIG) est une sanction pénale de substitution à l’emprisonnement, il consiste en un travail non rémunéré, au sein d’une association, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public. «Près de 4000 personnes sont condamnées à des travaux d’intérêt général au Danemark», chiffre un haut responsable danois à la Délégation générale de l'administration pénitentiaire, précisant que «ce mode pénal a substantiellement réduit le taux des délits dans la société danoise durant les dix dernières années».
Un constat partagé par un ressortissant tunisien qui a accepté de répondre à visage découvert à nos questions dans une maison de retraite à Copenhague, où il purge sa peine dans des travaux domestiques (cuisine, plonge, entre autres). Pour ce ressortissant tunisien, marié à une danoise et père d’une fille, «cette expérience m’a permis de réfréner mon impulsivité» sachant bien que le délit pour lequel il a été condamné était «coups et blessures» à l’encontre d’une autre personne de la même nationalité.
Autre cas, autre endroit. Il s’agit cette fois d’un jeune ressortissant somalien au Danemark, admis dans une église pour accomplir des travaux d’intérêt général. L’intéressé semble en effet avoir été transformé par cette expérience, après avoir «trempé» dans toutes sortes de délits (vols, coups et blessures, etc). Au bout de soixante heures passées à accomplir des travaux d’intérêt général dans ce lieu de culte, il affirme avoir retrouvé foi en l’avenir et envisage maintenant de reconstruire sa vie dans la sérénité. «La justice danoise m’a offert une occasion de me reconstruire, loin de la prison. En reconnaissance, j’ai pris l’engagement de devenir un citoyen utile et m’intégrer complètement dans la société danoise», promet-il, sur le ton de la repentance.
Voilà, le message a été bien reçu. Et c’est tout bénéf’ pour une société danoise, qui, en appliquant les peines alternatives, a su s’assurer « la paix sociale» et épargner l’argent des contribuables versé auparavant dans la construction de prisons. Le Maroc a tout intérêt à prendre exemple sur cette expérience.