Après le grand raté du Plan d’urgence (2008-2012), le ministère de l’Education nationale est resté près de trois ans sans aucune feuille de route pour redresser l’école publique. Ce temps est désormais révolu annonce Les Ecos Inspirations, dans son édition du 9 février 2015, puisque le ministre, Rachid Benmokhtar, a récemment annoncé sa nouvelle vision, étalée sur quinze ans (2015-2030). Le 6 février dernier, Rachid Benmokhtar a en effet annoncé son nouveau projet devant la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), intitulé « Une nouvelle école pour le citoyen de demain ». Un projet qualifié de «réforme radicale», selon le quotidien.
Un état des lieux très critique
Avant de présenter son programme pour améliorer l’école publique, le ministre de l’Education nationale a livré un diagnostic très sévère concernant le système éducatif. Selon lui, l’école marocaine souffre de trois maux, relève le titre francophone: les bases de connaissance, les seuils de passages et la maitrise des langues. Effectivement, après quatre ans passés à l’école primaire, les élèves ne savent ni lire ni écrire, les évaluations pour passer d’un cycle à un autre sont revues à la baisse, et après onze ans passés dans les trois cycles de l’école fondamentales, les enfants ne parviennent toujours pas à maitriser correctement les langues étrangères. Autres points noirs de l’école publique: un modèle pédagogique qui produit une grande déperdition d’élèves et un faible niveau, de très mauvaises conditions d’accueil, un manque patent d’établissements périscolaires ainsi qu’un fort décalage entre les milieux urbain et rural.
Les chantiers concrets
A travers sa réforme, explique Les Ecos Inspirations, le ministre souhaite agir sur quatre niveaux, les quatre principales défaillances du système éducatif: le modèle pédagogique, l’offre scolaire, les ressources humaines (notamment les professeurs et l’équipe pédagogique) et la gouvernance, en plus d’un axe transversal dédié aux nouvelles technologies (TIC) et à la promotion de «l’intégrité». Des belles promesses, qui pourraient bien se traduire de façon concrète.
En effet, Rachid Benmokhtar a évoqué des « chantiers » rapides à mettre en place. Parmi ceux-ci: l’interdiction pour les écoles privées de recourir aux professeurs du secteur public. Le ministre n’a pas hésité à se montrer très sévère envers les établissements privés, et a également exigé d’eux qu’ils œuvrent dans le sens des objectifs nationaux. La vision 2015-2030 prévoit aussi la mise en place de mécanismes d’évaluation et d’encadrement de l’équipe pédagogique ou encore, une décentralisation des pouvoirs et des compétences avec notamment une nouvelle gestion accordée aux Académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF).
D’ici les trois prochaines années (2015-2018), le ministère de l’Education nationale souhaite promouvoir les langues étrangères à travers les baccalauréats internationaux et valoriser la formation professionnelle via les baccalauréats professionnels. Deux filières mises en place cette année au titre d’expérience pilote, déjà considérées comme réussies. Le département, annonce le titre francophone, s’apprêterait également à lancer des «centres d’épanouissement par les langues», et des «écoles associées» (partenariat public-privé) afin de réhabiliter les établissements scolaires.
Un réaménagement de l’école sur le long-terme
Plus en profondeur, et donc sur le long-terme, Rachid Benmokhtar souhaite remodeler le système scolaire (primaire, collège, lycée). Un «aménagement radical», selon les Ecos Inspirations basé sur «le socle d’appartenance» (4-5 ans), «les bases de connaissances et de savoir» (6-9 ans), «le capital social» (10-14 ans), «l’individu et son bien-être» (15-17ans), «les besoins économiques et le développement durable» (18-19 ans).
Ainsi, dès l’âge de dix ans la formation des écoliers sera divisée en deux: d’un côté une formation théorique et générale, de l’autre une préparation aux métiers selon l’orientation de chaque élève. Entre 15 et 17 ans, les élèves pourront désormais choisir entre l’enseignement général, technologique ou professionnel. Le premier mènera automatiquement vers l’enseignement supérieur, tandis que les deux autres filières conduiront les élèves à poursuivre leurs études au sein des Instituts Spécialisés de Technologies Appliquées (ISTA). Pour rendre ce cheminement plus fluide, précise le quotidien, l’enseignement des 6-9 ans se fera au sein de réseaux d’écoles, les collèges fonctionneront en réseau aussi mais avec des centres de formation professionnelle, tandis que les lycées seront en réseau avec les ISTA. Des réseaux qui seront censés exister dans le milieu urbain et rural, mais également dans le … « rurbain », un nouveau concept qui cible les zones à la lisière de la ville et de la campagne.
Selon les Ecos Inspirations, devant la chambre française, Rachid Benmokhtar aurait conclu sa présentation par la phrase suivante: «On a fait beaucoup d’erreurs en matière de réforme de l’éducation, je ne crois pas qu’on puisse faire pire. Maintenant, notre vision comporte des ruptures importantes mais raisonnées». Rendez-vous en 2030 pour le bilan!