Mariage, divorce, héritage, tutelle… aucun aspect de la réforme de la Moudawana (Code de la famille) ne fait l’unanimité. Une seule chose est sûre: «18 ans après sa promulgation, le temps est venu de réviser ce texte législatif», a souligné Charafat Afailal, membre du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et ancienne ministre déléguée chargée de l’Eau au sein des gouvernements Benkirane 2 et El Othmani 1, lors de son passage à l’émission «Chahadat- Témoignages» de Le360.
Une réforme qui s’impose
L’urgence d’une telle réforme s’explique, selon la politicienne, par les dysfonctionnements qui entachent l’application de ce texte dans sa formule actuelle. «L’expérience de mise en œuvre du Code de la famille a fait preuve de dysfonctionnements structurels aux retombées majeures sur la famille et, surtout, sur les droits des femmes», étaye-t-elle.
Un autre constat indéniable fait également la légitimité d’une telle réforme: le décalage entre le Code de la famille promulgué en 2004 et les dispositions de la Constitution de 2011, qui a fait de l’égalité un de ses principes fondamentaux.
«Le texte de la Moudawana actuel n’est plus en phase avec la Constitution. Il est aussi incohérent avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)», explique Charafat Afailal.
Loi sur l’héritage, le hic
Interrogée sur l’étendue que devrait prendre cette révision profonde longtemps attendue par une bonne partie de la société marocaine, Charafat Afailal répond: «Il ne faut pas qu’on ait peur de débattre de sujets qui constituent à ce jour des tabous.»
Autrement dit, il est également temps de réviser la Loi sur l’héritage. Cette loi qui est restée intouchable, malgré la succession des réformes du Code de la famille. Si aujourd’hui, un débat autour de cette loi s’impose, c’est que plusieurs de ses dispositions comportent «une sorte d’injustice envers les femmes», affirme l’ancienne ministre.
Lire aussi : Réforme de la Moudawana: le CNDH crée un groupe de réflexion et de proposition
Parmi ces dispositions, une est particulièrement, et régulièrement, critiquée: la règle de l’héritage par agnation, dite taâssib. En plus d’être considérée injuste et discriminatoire par les défenseurs des droits des femmes, cette règle fait également l’objet d’un débat dans les cercles religieux. «Une grande majorité des écoles du fiqh considère que ce mode d’héritage n’a pas un vrai fondement religieux», affirme Charafat Afailal.
Et de poursuivre: «Aujourd’hui, même au sein des écoles du fiqh et des institutions religieuses, il existe des voix qui appellent à une jurisprudence éclairée en la matière.»
« Faire mûrir» un consensus sociétal
Comme dans toutes les sociétés, chaque courant et chaque composante de la société marocaine conçoit différemment la réforme du Code de la famille, selon ses propres références. Cette différence, selon Charafat Afailal, ne doit en aucun cas mener à l’exclusion. «J’ai ma propre opinion, mais je ne considère pas que c’est ma vision qui doit prédominer», clame-t-elle.
Lire aussi : Réforme de la Moudawana: une dépolitisation s’impose
La politicienne insiste, ainsi, sur l’importance de mener un débat, de «s’écouter les uns les autres, et surtout ne pas criminaliser l’opinion d’autrui». L’objectif est de «faire mûrir un consensus sociétal autour de la réforme du Code de la famille, afin d’introduire un nouveau texte qui garantit les droits constitutionnels et universels des femmes, qui tient compte du meilleur intérêt de l’enfant, et qui protège aussi les droits des hommes».