C’est manifestement une attitude courante. A l’approche du mois de Ramadan, les agents d’autorité de différentes provinces et préfectures entament leur campagne de collecte des paniers de denrées alimentaires à distribuer aux familles nécessiteuses. D’après le quotidien Assabah, qui rapporte l’information dans son édition du week-end des 2 et 3 avril, les agents d’autorité ont entrepris de frapper aux portes des entreprises, des promoteurs immobiliers et des notables pour les inciter à fournir des «paniers de bienfaisance», qui seront distribués à l’occasion du mois sacré.
Ainsi, ces donateurs forcés sont «invités» à déposer à la préfecture dont ils relèvent un certain nombre de «bons d’achat» correspondant au nombre de paniers convenus à récupérer chez les commerçants indiqués. En d’autres termes, les donateurs n’interviennent dans cette opération que pour régler la facture. La récupération des denrées alimentaires chez les commerçants, la constitution et la distribution du panier sera gérées par les autorités locales. Ces dernières peuvent tout simplement distribuer des «bons», tandis que les bénéficiaires ou les associations peuvent récupérer leur équivalent en produits alimentaires chez le commerçant désigné.
Ce qui amène le quotidien à poser la question suivante: les walis, gouverneurs et autres caids ou pachas ont-ils le droit de faire ainsi la quête des paniers de charité au bénéfice des personnes démunies? Ont-ils le droit d’imposer aux gens de mettre à leur disposition chez des grossistes et commerçants des denrées alimentaires? Les chefs de services économiques qui relèvent des préfectures et provinces sont-ils habilités à réceptionner des «bons pour» et de les convertir ensuite en produits alimentaires à distribuer aux pauvres?
Le quotidien s’est limité à poser des questions sans s’attarder sur la recherche des réponses. Toujours est-il, note le quotidien, que cette opération en elle-même ne profite pas toujours seulement aux démunis. Assabah parle de formes de détournement de ces paniers, notamment par des responsables associatifs ou d’autres personnes qui, avec la complicité des commerçants, convertissent les bons non pas en paniers à distribuer aux pauvres comme convenu, mais en valeur en argent qu’ils mettent dans leur poche.
Cela dit, estime le quotidien, ces pratiques sont aujourd’hui de plus en plus mal vues, car il existe désormais au Maroc des institutions et des organisations structurées dont la mission est justement d’organiser la charité publique et de venir en aide aux nécessiteux. Ce qui est encore plus grave, c’est que ces opérations de charité organisées par des associations locales sont le plus souvent enregistrées et diffusées, notamment sur les réseaux sociaux, portant ainsi atteinte à la dignité des bénéficiaires.