Propriétaires désemparés vs locataires mauvais payeurs: voici 10 choses essentielles à savoir, pour se protéger

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Certains locataires sont à ce point malhonnêtes que bon nombre de propriétaires préfèrent garder leur bien immobilier inhabité, ou le vendre, plutôt que de risquer une galère judiciaire et financière de taille.

Le 12/01/2020 à 14h05

Un beau jour on fait l’acquisition d’un bien immobilier, que ce soit grâce à un héritage, ou parce qu’on préfère investir dans la pierre plutôt que de placer cet argent à la banque.

Mais, parce qu’il y a toujours un mais, alors qu’on s’attendait à un long fleuve tranquille, jonché de loyers qui tombent régulièrement et de rapports cordiaux, voire sympathiques avec ce locataire, voilà que tout l’inverse se produit.

Les dates de virements de loyers se suivent, ne se ressemblent pas, puis s’arrêtent un beau jour. Ou encore, le locataire se met aux abonnés absents, ne paie plus son loyer, mais n'avise pas pour autant le propriétaire du bien qu'il loue de son départ des lieux. Autant de cas de figures qui rendent malades d’angoisse bien des propriétaires, et leur font passer l’envie de relouer leur bien immobilier.

La loi, qui était naguère nettement en faveur des locataires, a toutefois changé en 2013, se montrant désormais plus clémente envers les propriétaires.

Voici un éclairage, au vu des cas de figures soumis à la nouvelle loi, le Dahir n° 1-13-111 du 15 Moharram 1435 (19 novembre 2013) pris pour l'exécution de la loi n°67-12 relative à l'organisation des relations contractuelles entre bailleur et locataire des locaux à usage d'habitation ou à usage professionnel

Comment se protéger en 10 leçons

  1. Le bail est-il indispensable?

Oh que oui! Et il est même obligatoire depuis la promulgation de la nouvelle loi. Si vous faites partie de ceux qui préfèrent ne pas laisser de copie du bail à la moukataâ (arrondissement) lors de la signature du contrat moyennant un bakchich, c’est là une décsion que vous prenez à vos risques et périls. Peut-être échapperez-vous aux impôts, mais pas forcément à un locataire peu scrupuleux, qui pourra retourner ce vice de forme contre vous. Certes, cela ne vous mettra pas à l’abri d'un défaut de paiement des loyers, mais vous aurez au moins l’esprit tranquille si vous devez porter l’action en justice.

Selon l’article 3, la conclusion du contrat de bail se fait, obligatoirement, par écrit ayant date certaine, et mentionnant essentiellement:

  • -Le prénom et le nom du bailleur et du locataire, leurs professions, leurs adresses, les pièces justifiant l’identité et toutes les informations relatives au mandataire, le cas échéant;
  • -La dénomination complète, le siège social et, le cas échéant, toutes les informations relatives au représentant légal si le bailleur ou le locataire est une personne morale;
  • -La désignation des locaux donnés à bail, leurs dépendances, l’usage de destination ainsi que les équipements utilisés par le locataire uniquement;
  • -La détermination du montant du bail fixé d’un commun accord entre les parties et la périodicité de son paiement ;
  • -La nature des charges locatives supportées par le locataire;
  • -Le moyen déterminé entre les parties pour le paiement du bail et des charges locatives;
  • -Les obligations particulières à la charge de chacune des parties.
  1. Pourquoi remettre une quittance?

Le bailleur doit remettre au locataire une quittance, signée par lui-même, personnellement, ou par un mandataire expressément mandaté à cet effet, détaillant les montants réglés par le locataire et distinguant la valeur du loyer des dépenses qui en découlent stipule l’article 11.Bien entendu, la quittance laisse à supposer que vous percevez des loyers en toute légalité.

  1. Que se passe-t-il si le locataire dépasse la durée de location indiquée dans le bail?

La loi prévoit que le locataire doit restituer le local loué au bailleur à la fin du contrat de bail ou à sa résiliation. S’il le garde au delà de cette date, il devra régler une indemnité à fixer par le tribunal, équivalente ou doublant le prix du loyer, pour occupation du local.

  1. A quoi sert la caution? Comment la calcule-t-on et comment la récupère-t-on?

Le bailleur peut obliger le locataire à donner une caution servant à couvrir les montants des loyers et des charges locatives non réglés ainsi que les préjudices qui pourraient altérer le local loué et dont le locataire pourrait être à l’origine, stipule l’article 20. Toutefois, s’agissant de son montant, celui-ci ne peut dépasser le montant de deux mois de loyer.

La caution doit être restituée dans un délai d’un mois à compter de la date de la restitution, par le locataire, du local loué après ponction, au besoin, des montants dûs au bailleur ainsi que les montants qu’aurait supportés ce dernier à la place du locataire, sous condition d’en rapporter la preuve légalement. Les parties peuvent également convenir de réserver le montant de cette caution à la couverture des loyers des derniers mois du bail. Toutefois, attention à bien effectuer un état des lieux avant le départ du locataire.

Il ne s’agirait pas de constater des dégâts ou des éléments mobiliers manquants une fois le locataire parti, alors que la caution aura servi à payer au plus les deux derniers mois de loyer.

  1. Que faire en cas de non-paiement du loyer?

D’après l’article 23, «le bailleur peut, en cas de non règlement du loyer et des charges y afférentes échus, demander au président du tribunal de première instance l’autorisation de mettre en demeure le locataire». Toutefois, cette demande ne sera recevable que si vous avez établi un bail dans les règles de l’art.

  1. Que doit indiquer la mise en demeure adressée au locataire?

Sous peine d’irrecevabilité, la mise en demeure doit indiquer:

  • -Les prénoms et noms des parties
  • -L’adresse du bailleur;
  • -L’adresse du local loué et, au besoin, le domicile ou le lieu de résidence du locataire;
  • -Le montant du loyer et des charges conséquentes réclamées ;
  • -La période échue;
  • -Le total du montant dû par le locataire.
  1. Que peut-on espérer après l’envoi de la mise en demeure?

La mise en demeure fixe au locataire, un délai ne pouvant être inférieur à quinze jours à compter de sa date de notification, en vue d’opérer le règlement des montants échus et non réglés.

Il y a trois manières de procéder à ce règlement :- soit directement entre les mains du bailleur ou de son représentant, en contrepartie d’une quittance;- soit par virement bancaire;- soit par consignation à la caisse du tribunal ou par tout autre moyen pouvant prouver le paiement et sa date.

Le bailleur peut demander au président du tribunal de première instance d’homologuer la mise en demeure et d’ordonner le paiement en cas de non règlement, total ou partiel, des montants échus et déterminés dans la mise en demeure.

  1. Dans quel cas peut-on résilier un bail ?

Le bailleur peut demander au tribunal la résiliation du contrat de bail et l’éviction du locataire ou de tout occupant de son chef, sans adresser un congé, dans les cas suivants :- Utilisation du local et des équipements loués pour un usage autre que l’usage de destination;- Modification du local loué sans l’accord ou l’autorisation du bailleur;- Abandon du local loué de manière à lui causer un préjudice;- Non-paiement du loyer échu malgré la réception d’un avis de paiement;- Utilisation, par le locataire, du local loué à des fins autres que celles convenues dans le contrat ou contraires aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ou à la loi.

  1. Et si le locataire abandonne les lieux, que faire?

Il faut se référer à l’article 57 qui stipule que «le local est considéré abandonné s’il reste fermé pendant au moins six mois après que:

  • -Le locataire ait vidé le local loué de tous ses meubles et objets, totalement ou partiellement;
  • -L’absence du locataire du local et sa négligence, personnellement ou par le biais de son représentant ou de l’occupant de son chef;
  • -Le décès du locataire ou la perte de sa capacité légale et la non apparition de l’une des personnes bénéficiaires.

Toutefois, «le local n’est pas considéré abandonné si le locataire continue de remplir ses obligations envers le bailleur» précise l’article 58.

Il faudra alors, pour réinvestir les lieux, adresser une demande de restitution du local abandonné au président du tribunal en sa qualité de juge des référés, appuyée par les pièces suivantes:

  • -Le contrat ou l’écrit prouvant la relation locative;
  • -Le procès-verbal constatant la fermeture et l’abandon du local loué et déterminant la durée de fermeture.

Si le locataire personnellement convoqué ne répond pas, le président du tribunal en fera mention sur le corps de la requête de restitution du local, mais peut également statuer sur la demande après avoir ordonné la réalisation d’une enquête par le biais de la police judiciaire, sous couvert du ministère public.

  1. Comment savoir à quelle autorité s’adresser?

S’agissant des compétences et des procédures à suivre, le tribunal de première instance de la circonscription du local loué est compétent pour connaitre des litiges relatifs aux baux des locaux, comme l’indique l’article 71.

Bien entendu, avoir recours au conseil d'un avocat spécialisé en droit immobilier vous sera de la plus grande aide pour entreprendre les différentes démarches judiciaires en cas de litige.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 12/01/2020 à 14h05