Une flambée des prix des produits alimentaires a donné des sueurs froides aux Marocains, au cours des dernières semaines, incapables de suivre l’envolée des cours de ces denrées. Une situation qui a suscité une large indignation des citoyens, dont le pouvoir d’achat s’est gravement dégradé, et qui a poussé les autorités à se mobiliser. Cette mobilisation semble déjà donner ses fruits. Pour preuve, dès le début de cette semaine, les prix des légumes ont enregistré une baisse au niveau des marchés. Un constat que confirment les grossistes du marché de gros des fruits et légumes rencontrés par Le360.
«Les prix des légumes ont connu une baisse considérable durant ces dernières 48 heures», affirme Abderrazak Chabi, président de l’Association du marché de gros des fruits et légumes de Casablanca (AMGFLC), lui-même grossiste. Cet interlocuteur précise que les prix des tomates sont ceux ayant enregistré la plus importante baisse, soit entre 35 et 40%.
Même son de cloche du côté de Maâiden Abdelkebir, grossiste et secrétaire général de l’AMGFLC, qui note une baisse de 2 dirhams des prix de plusieurs légumes, dont les pommes de terre, les poivrons et les tomates. «Une baisse générale est constatée depuis le début de cette semaine», affirme-t-il, donnant l’exemple de la tomate, dont le kilogramme coûte en ce moment 6 à 7 dirhams contre 9 à 10 dirhams auparavant, et des pommes de terre vendues désormais entre 5 et 6 dirhams au marché de gros, contre plus de 7 dirhams il y a quelques jours.
Importations limitées
La raison de cette baisse? Les deux grossistes sont unanimes et estiment que celle-ci est due à la limitation des exportations. «Suite à la décision de limiter les exportations vers les marchés africains et européens, les prix ont commencé à reculer, car l’offre équivaut désormais à la demande, voire la dépasse dans quelques cas», explique Abderrazak Chabi.
Et d’ajouter: «La baisse que nous constatons actuellement est la preuve que la flambée des prix a été provoquée par les exportations, surtout que la production a été impactée cette année».
Un avis que partage Maâiden Abdelkebir. Evoquant «une hémorragie des exportations», ce grossiste explique que «la forte demande à l’export, conjuguée à la baisse de la production due à plusieurs facteurs, a donné lieu à une importante hausse des prix».
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Néanmoins, ajoute ce dernier, si la limitation des exportations a permis de freiner l’envolée des prix de certains légumes, un retour aux niveaux normaux de ceux-ci ne devrait pas se faire de si tôt. Selon lui, «les prix ne baisseront vraiment que lorsque le marché sera approvisionné depuis plusieurs sources».
Ainsi, estime Maâiden Abdelkebir, les prix des légumes ne renoueraient avec leurs niveaux ordinaires qu’«à partir du mois d’avril ou de mai, lorsque les productions d’autres régions, notamment de Chtouka, d’El Oualidia et des environs de Casablanca, seront prêtes pour la commercialisation».
L’ombre des intermédiaires
Si les grossistes rencontrés au marché de gros font tous état d’une baisse «considérable» des prix, les détaillants, eux, soulignent que la hausse des prix persiste toujours et que la baisse ne concerne que quelques produits. Une impression qui s’explique, les trois détaillants approchés par Le360 dans différents marchés de la capitale économique avançant tous des prix d’achat et de vente différents.
Cette différence, variant entre 1 et 2 dirhams, concerne les prix d’achat par ces commerçants auprès de leurs fournisseurs et est directement reflétée sur le prix de vente aux consommateurs. Dans le cas de la tomate, par exemple, le prix variant de 6 à 7 dirhams retrouvé au marché de gros n’est repris que par un seul des commerçants interrogés, alors que deux d’entre eux affirment avoir acheté ce légume à 8 dirhams le kilogramme. Le consommateur, quant à lui, devra payer entre 9 et 11 dirhams pour se procurer le kilogramme de tomates.
Résultat: «Les prix sont restés généralement fixes, et toujours hors de portée», indique Lhoucine, vendeur de légumes au marché de Benjdia à Casablanca. Un constat également partagé par deux commerçants dans un souk près de Derb Ghallef, mais qui ont refusé de s’exprimer publiquement au micro de Le360.
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Le vendeur Lhoucine impute la persistance de la hausse des prix aux intermédiaires. «Le produit est vendu et revendu jusqu’à ce qu’on se retrouve face à des prix très élevés», s’indigne-t-il, ajoutant que «certes, cela nous impacte, nous détaillants, mais ça impacte surtout nos clients, car si nous achetons un produit plus cher, nous allons également le vendre plus cher».
Spéculateurs et profiteurs
Un autre problème relevé par Lhoucine, et qui contribue à la flambée des prix: la spéculation. «Ces intermédiaires achètent ces produits en grandes quantités et les stockent en attendant que les prix augmentent», clame-t-il.
Ce même interlocuteur explique que «dans le cas de l’oignon, par exemple, ceux-ci en ont acheté et stocké de grandes quantités quand ce légume coûtait entre 2,5 et 3 dirhams le kilogramme, car il savaient que le prix augmenterait. Aujourd’hui, ils vendent ces mêmes stocks à 9 dirhams le kilogramme».
Et de conclure: «Le problème de la cherté ne serait pas posé, si le détaillant s’approvisionnait directement auprès de l’agriculteur».