Patients «ayant perdu la vue» suite à une injection à l’œil à Casablanca: ce qu’en disent les ophtalmologues

L'hôpital du 20 Août à Casablanca.

L’affaire a fait grand bruit: 16 patients auraient perdu la vue suite à une injection à l’œil à l’hôpital 20 Août de Casablanca, il y a quelques semaines. La Société marocaine d’ophtalmologie réagit à son tour à la polémique.

Le 12/10/2023 à 15h57

Face à l’émoi provoqué par les complications survenues après des injections intra-oculaires de Bévacizumab, plus connu sous le nom d’Avastin, à l’hôpital 20 Août à Casablanca, la Société marocaine d’ophtalmologie (SMO) apporte quelques éclaircissements.

Dans un communiqué, les praticiens rappellent tout d’abord que l’Avastin n’est en aucun cas un médicament illégal: «C’est un produit utilisé depuis de nombreuses années dans le traitement de certains cancers avec autorisation de mise sur le marché marocain délivrée par le ministère de la Santé pour cet usage.»

Ils notent ensuite que l’incident qui s’est produit à l’hôpital 20 Août «n’est nullement en rapport avec le produit, mais avec une complication infectieuse, l’endophtalmie, qui est une complication très rare (0,02%) et redoutée par les ophtalmologistes du monde entier. Son origine reste à déterminer loin des polémiques, des fausses informations et du sensationnalisme.»

«Un produit très largement utilisé partout dans le monde»

La SMO indique également qu’au cours des quinze dernières années, l’Avastin «a révolutionné la prise en charge de nombreuses pathologies rétiniennes qui n’avaient jusque-là aucun traitement efficace». Il s’agit ainsi d’un produit qui «est très largement utilisé partout dans le monde avec une force bibliographique indéniable, avec plus de 4.500 publications scientifiques dans des revues médicales avec comité de lecture.»

Selon le communiqué, les laboratoires pharmaceutiques qui ont développé l’Avastin ont aussi lancé un produit similaire, le Ranibizumab (Lucentis), qui possède des propriétés identiques, mais coûte 30 fois plus cher (8.000 dirhams contre 250 dirhams). Ces laboratoires ont ensuite tenté d’interdire l’utilisation de l’Avastin pour des raisons financières, mais ils ont été sanctionnés pour des pratiques jugées abusives (abus de position dominante, dénigrement d’Avastin, discours alarmiste et trompeur auprès des autorités publiques...). Ce fut le cas en France, où l’autorité de la concurrence les a sanctionnés, à la date du 9 septembre 2020 (n° 20-D-11), à hauteur de 444 millions d’euros, illustre le communiqué.

La SMO précise, par ailleurs, que le traitement des maladies rétiniennes nécessite non pas une injection unique mais de nombreuses injections étalées dans le temps. «La moyenne des injections est de 6 par an et par œil. On peut aisément concevoir qu’un traitement aussi coûteux est impossible pour l’écrasante majorité de nos concitoyens. Dans notre contexte, l’ophtalmologiste marocain n’a pas le choix entre Avastin ou Lucentis (ou une autre nouvelle molécule) mais entre Avastin et ne pas traiter le malade. Ce qui veut dire perte de la vue pour des dizaines de milliers de patients tous les ans», expliquent-ils.

Pour rappel, le ministère de la Santé a indiqué, dans un communiqué diffusé le 4 octobre, qu’une enquête médicale a été ouverte pour tenter d’élucider ce qui s’est réellement passé et que les injections reçues le 19 septembre dernier par les patients de l’hôpital 20 Août «entrent dans le cadre de leur traitement pour les maladies de l’œil (...) résultant de maladies chroniques comme le diabète».

Le ministère a aussi noté qu’au lendemain de l’injection, 2 des 16 patients se sont plaints «de rougeurs et de douleurs à l’œil avec perte de vue». Le personnel du service ophtalmologique de l’hôpital avait donc convoqué tous les patients ayant reçu cette injection et un traitement adéquat a été administré. «Placés sous surveillance, les patients ont commencé à montrer des signes cliniques d’amélioration. Cinq d’entre eux ont donc quitté l’établissement hospitalier et les autres sont toujours sous traitement et sous surveillance», avait-on précisé.

Par Nisrine Zaoui
Le 12/10/2023 à 15h57