On continuera de s’aimer malgré tout

Karim Boukhari. Le360

ChroniqueMariés ou pas mariés, tant que l’article 490 n’est pas abrogé, vous ne dormirez pas tranquille.

Le 01/06/2024 à 09h01

L’arsenal juridique marocain regorge de lois obsolètes, pour ne pas dire stupides, que le législateur n’arrive pas à évacuer. Ces lois en bois, on les connait toutes parce qu’on a eu à les subir un jour ou l’autre. L’une d’elles criminalise les relations sexuelles entre adultes consentants. C’est la loi 490.

Que fait-on quand on a affaire à une loi stupide? On la viole, tout simplement. Celui qui n’a jamais violé cet article 490 mérite une place au soleil sans même lever le petit doigt. C’est un saint, un ange du paradis. Il mérite une palme d’or pour l’ensemble de son œuvre.

Quant aux autres, c’est-à-dire les 99,99 % des femmes et des hommes qui habitent le plus beau pays du monde, ils devront continuer de composer. Composer, cela veut dire s’arranger, faire semblant, finasser, jouer au plus malin, se cacher, jongler, se faufiler entre les gouttes d’eau qui peuvent tomber du ciel. Et espérer ne pas se faire prendre.

Les adultes que nous sommes passent et repassent par la case «enfants». Ils s’infantilisent. C’est des grands enfants. L’enfance est merveilleuse parce qu’elle vous permet de goûter à l’interdit et de violer toutes les lois, sauf la plus importante : écouter son cœur, ses envies, ses désirs. L’enfance, c’est l’absence de culpabilisation. On lui pardonne tout.

La polémique qui est née autour des «papiers» (acte de mariage) demandés aux couples qui se présentent pour louer une chambre d’hôtel, qui fleurit aujourd’hui sur tous les réseaux marocains, a un charme fou. Je la connais depuis que j’ai atteint ce que les Anglais appellent «age of consent», en gros l’âge plus ou moins adulte où l’on peut décider de sa vie et de son corps sans devoir rendre compte à personne. Cette polémique me rappelle que je vis toujours au Maroc, le pays de mes ancêtres et de mes tiraillements intérieurs.

Les hôteliers ont reçu la consigne orale de ne plus exiger ce fameux «acte». Les couples non mariés peuvent faire chambre commune. Tant qu’ils peuvent fermer la porte derrière eux…

Mais la police peut très bien débarquer à n’importe quel moment pour les mettre aux arrêts. Pourquoi? Article 490, pratique illégale de la sexualité, prostitution. La police arrêtera aussi l’hôtelier pour complicité et exercice du plus vieux métier du monde (après la prostitution): entremetteur!

Retour à la case départ: tu n’en sortiras pas libre!

Et tu ne changeras pas la règle: aimons-nous mais cachons-nous!

Maintenant, laissez-moi vous demander une chose: avez-vous pensé aux couples mariés? Je connais la réponse: c’est non. Et c’est dommage.

Imaginez un couple marié qui se présente à l’hôtel. Il doit dégainer son acte de mariage, affronter les regards suspicieux de l’hôtelier, répondre à ses interrogations, prouver encore et encore qu’il est marié.

L’hôtelier peut demander: «D’accord, vous êtes mariés… Mais comment expliquer que l’adresse de madame sur sa CIN ne correspond pas à celle de monsieur?».

La moralité, je vous la fais courte: non mariés ou mariés, exiger le fameux «acte» reste une humiliation. Personnellement, je connais des couples mariés qui ont arrêté de voyager ensemble et de faire chambre commune à cause de cela. Ils se sont tournés vers les appartements privés et le fameux Airbnb.

Qu’en dis-tu, mon ami?

Par Karim Boukhari
Le 01/06/2024 à 09h01