Mélilia (Melilla pour les Espagnols) n’est pas le premier nom que vous cochez avant de vous préparer à partir en vacances. On vous dit: mais pourquoi ne pas partir en Espagne, la vraie Espagne, qui coute moins cher et offre plus de loisirs. Elle est plus agréable, plus touristique.
Il y a des villes touristiques et des personnes «touristiques». Qu’est-ce que le «touristisme»? Pour simplifier, c’est avoir affaire à des gens accueillants et en avoir pour son argent, sans douleur ni frustration. Dit ainsi, cela ne ressemble à rien. Mais c’est dans l’air que vous respirez, c’est quelque chose que vous pouvez saisir au premier regard échangé.
Mélilia ne répond pas à ce critère. Ici, c’est toujours le Maroc et c’est déjà l’Espagne. Un mélange des deux. On ne sait plus. La petite cité a la réputation d’être sobre et austère, sans doute en liaison avec son ancien passé militaire. Certains l’appellent encore la ville de Franco, même si la statue du «Caudillo» a été déboulonnée il y a quelques années.
«Toutes ces tensions politiques et sociales, anciennes et récentes, se concentrent dans un corridor long d’une centaine de mètres, qui vous fait basculer d’un côté à l’autre. Le passage des frontières. Un vrai calvaire. Surtout côté marocain.»
— Karim Boukhari
Personne n’a oublié, non plus, la visite-surprise de Juan Carlos, le rey espagnol, dans les années 2000. Une provocation symbolique qui a laissé des traces. Car Mélilia, comme Sebta, reste une blessure ouverte dans la mémoire collective marocaine.
Toutes ces tensions politiques et sociales, anciennes et récentes, se concentrent dans un corridor long d’une centaine de mètres, qui vous fait basculer d’un côté à l’autre. Le passage des frontières. Un vrai calvaire. Surtout côté marocain.
Bab Mélilia, la porte que vous enjambez avant d’arriver en Espagne, ressemble à une douloureuse survivance du passé. Un véritable capharnaüm. Essayez de faire la traversée à pied. Ne serait-ce que pour éprouver cet immense soulagement, cette délivrance qui envahit tout votre être quand vous “aboutissez” enfin à l’autre côté de la barrière.
Le pire, c’est la traversée du retour. Les longues minutes d’attente ne sont rien, comparées à l’extrême fermeté des douaniers marocains. Ils ont la consigne de ne rien laisser passer. Même pas une bouteille d’eau made in Mélilia. On confisque tout, absolument tout, avec procès-verbal à la clé.
Vous voilà prévenus.
C’est donc une drôle d’idée que de venir faire du tourisme ici, de s’imposer ce checkpoint impitoyable. Et pourtant, votre serviteur a choisi de le faire. Même le douanier marocain n’arrivait pas à comprendre pourquoi.
Juste l’envie de voir de près à quoi peut bien ressembler, aujourd’hui, ce territoire bien singulier, et finalement attachant. Ce bout du Maroc qui ne ressemble à aucun autre.
Et que cela ne vous empêche pas de faire l’expérience à votre tour, un jour, surtout à pied. Tant pis si les frontières, côté marocain, sont ce qu’elles sont. Laissez-vous tenter et découvrez le charme discret de l’ancienne Rusadir. C’est le genre d’expérience qu’on n’oublie pas.





