Cette étude triennale, suspendue pendant une année à cause de la Covid, fait office d’indicateur pour les pays y participant et permet d’évaluer les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans en mathématiques, en lecture et en sciences par le moyen de tests explorant la capacité des étudiants à résoudre des problèmes complexes, à réfléchir de manière critique et à communiquer efficacement.
Ce programme d’envergure permet ainsi de donner un aperçu de la manière dont les systèmes éducatifs préparent les étudiants aux défis de la vie réelle, et à la réussite future, et offre l’opportunité aux décideurs politiques et aux éducateurs d’apprendre des politiques et pratiques d’autres pays.
Force est de constater que les résultats obtenus par les élèves marocains de 15 ans à ce test sont en baisse par rapport à 2018, avec un niveau sensiblement équivalent en mathématiques.
En 2022, sur un classement de 81 pays, le Maroc est ainsi classé 71ème en mathématiques, 79ème en lecture, et 76ème en sciences, soit un recul de 9 places pour les deux derniers domaines de compétences.
Fait inquiétant, par rapport à 2018, l’analyse du PISA met en lumière l’augmentation de cinq points de pourcentage de la proportion d’élèves ayant obtenu un score inférieur à un niveau de compétence de base (niveau 2) en mathématiques. Ce n’est toutefois pas le cas en sciences et en lecture, qui n’accusent pas de changement significatif.
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Comparativement aux autres pays, les élèves marocains ont obtenu des résultats inférieurs à la moyenne de l’OCDE en mathématiques, en lecture et en sciences, tandis qu’à l’échelle nationale, «une plus faible proportion d’élèves que la moyenne des pays de l’OCDE ont obtenu les meilleurs résultats (niveau 5 ou 6) dans au moins une matière», analyse-t-on. À contrario, «une proportion d’élèves inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE atteint un niveau minimum de compétence (niveau 2 ou supérieur) dans les trois matières».
Ce que les élèves marocains peuvent et savent faire en mathématiques
Selon le rapport du classement PISE 2022 dédié au Maroc, seulement 18% des élèves ont réussi à atteindre le niveau 2 en mathématiques, sur une échelle de 6, ce qui est nettement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (moyenne de l’OCDE: 69%). Ils sont ainsi 82% à ne pas atteindre ce niveau.
«Au minimum, ces élèves peuvent interpréter et reconnaître, sans instructions directes, comment une situation simple peut être représentée mathématiquement (par exemple, comparer la distance totale sur deux itinéraires alternatifs ou convertir les prix dans une devise différente)», explique-t-on.
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À titre de comparaison, plus de 85% des étudiants de Singapour, de Macao (Chine), du Japon, de Hong Kong (Chine), du Taipei chinois et de l’Estonie (par ordre décroissant de proportion) ont obtenu des résultats à ce niveau ou au-dessus.
Au Maroc, poursuit-on, «presque aucun élève n’a obtenu les meilleurs résultats en mathématiques, ce qui signifie qu’il a atteint le niveau 5 ou 6 du test de mathématiques PISA (moyenne OCDE: 9%)».
Cette année, six pays et économies asiatiques comptaient les plus grandes proportions d’étudiants à avoir atteint les niveaux 5 et 6: Singapour (41%), le Taipei chinois (32%), Macao (Chine) (29%), Hong Kong (Chine) (27%), le Japon (23%) et la Corée (23%). À ce stade de compétences, les élèves peuvent modéliser mathématiquement des situations complexes et sélectionner, comparer et évaluer des stratégies de résolution de problèmes appropriées pour y faire face.
Il résulte de ce classement que dans seuls 16 des 81 pays et économies participant au PISA 2022, plus de 10% des élèves, ont atteint le niveau de compétence 5 ou 6.
À 15 ans, presque aucun élève ne sait lire parfaitement
Malheureusement, les résultats en lecture ne sont guère meilleurs, car seuls 19% des élèves ont atteint le niveau 2 ou plus en lecture (moyenne OCDE : 74 %), qui correspond au niveau minimum de compétence en lecture.
Que savent-ils faire à ce stade? «Ces élèves peuvent identifier l’idée principale d’un texte de longueur moyenne, trouver des informations basées sur des critères explicites, quoique parfois complexes, et réfléchir au but et à la forme des textes lorsqu’on leur demande explicitement de le faire», est-il expliqué.
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Constat dramatique, au Maroc, «presque aucun élève n’a atteint le niveau 5 ou plus en lecture (moyenne OCDE: 7%)», niveau auquel les élèves qui y accèdent sont en mesure de «comprendre de longs textes, traiter des concepts abstraits ou contre-intuitifs et établir des distinctions entre faits et opinions, sur la base d’indices implicites relatifs au contenu ou à la source de l’information».
Les élèves marocains très peu compétents en sciences
Dans le domaine des matières scientifiques, 25% des étudiants de 15 ans ont atteint le niveau 2 contre une moyenne générale de l’OCDE culminant à 76%. À ce stade, ces élèves, «peuvent reconnaître l’explication correcte de phénomènes scientifiques familiers et utiliser ces connaissances pour déterminer, dans des cas simples, si une conclusion est valide sur la base des données fournies».
Même constat que pour les autres matières, «presque aucun élève» ne s’est montré performant en sciences au point d’obtenir un niveau 5 ou 6, alors que la moyenne de l’OCDE s’établit à 7% pour ces niveaux de compétence. Autrement dit, les élèves marocains ne sont pas en mesure «d’appliquer de manière créative et autonome leurs connaissances scientifiques à une grande variété de situations, y compris des situations peu familières».
L’écart socio-économique entre les élèves dans la balance
L’indice PISA de statut économique, social et culturel peut être utilisé pour classer les étudiants des plus défavorisés aux plus favorisés au sein de chaque pays et économie, et pour créer quatre groupes d’étudiants de taille égale (chacun comprenant 25% de la population des étudiants de 15 ans dans chaque pays/économie).
Au Maroc, «les élèves socio-économiquement favorisés (les 25% les plus riches en termes de statut socio-économique) ont surpassé les élèves défavorisés (les 25%) de 43 points en mathématiques». Un chiffre qui reste toutefois inférieur à l’écart moyen entre les deux groupes (93 points) dans les pays de l’OCDE.
Il résulte aussi qu’entre 2018 et 2022, «l’écart de performance en mathématiques entre les 25% d’élèves les plus riches et les plus pauvres en termes de statut socio-économique est resté stable au Maroc, ainsi que dans l’ensemble des pays de l’OCDE en moyenne».
Enfin, une lueur d’espoir dans ce classement, environ 16% des élèves défavorisés ont réussi à obtenir des résultats dans le quart supérieur en mathématiques. «Ces étudiants peuvent être considérés comme résilients sur le plan académique car, malgré leur désavantage socio-économique, ils ont atteint l’excellence éducative par rapport aux étudiants de leur propre pays».
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En moyenne dans les pays de l’OCDE, 10% des élèves défavorisés ont obtenu des résultats dans le quart supérieur en mathématiques dans leur propre pays.
Les filles se démarquent des garçons
Au Maroc, les filles affichent de meilleurs résultats que les garçons et les ont ainsi surpassés de 4 points en mathématiques et de 22 points en lecture. En revanche, la part des élèves peu performants est similaire chez les garçons (81%) et les filles (82%) en mathématiques, tandis qu’en lecture, les garçons affichent le moins de performances avec une part de 84% ayant obtenu des résultats inférieurs au niveau 2 contre 78% pour les filles.
Quelques éléments de réponse pour expliquer ces résultats en baisse
Pour expliquer cette tendance baissière, l’analyse PISA se veut toutefois positive, tenant compte dans ces résultats de l’expansion au Maroc de l’enseignement secondaire vers des populations auparavant marginalisées mais aussi des conséquences de la Covid sur la scolarité.
En effet, explique-t-on, «entre 2018 et 2022, le nombre de jeunes de 15 ans éligibles au test PISA a augmenté au Maroc, malgré une population de 15 ans stable. Cela suggère que les inscriptions dans l’enseignement secondaire ont augmenté de manière significative».
Ainsi, poursuit-on, «la baisse apparente des résultats du PISA en lecture et en sciences peut s’expliquer entièrement par l’intégration scolaire d’un plus grand nombre d’élèves de 15 ans issus de populations marginalisées». Autrement dit, «les résultats du PISA pour les élèves restants, plus favorisés –ceux dont la situation n’a pas évolué n’a pas changé du fait de l’expansion de l’éducation– est resté stable».
L’analyse de PISA de la vie scolaire au Maroc apporte également quelques éléments de réponse pour tenter de comprendre cette tendance baissière. Du côté de l’enseignement des matières, on apprend ainsi que de nombreux élèves étudient les mathématiques dans un climat disciplinaire peu favorable à l’apprentissage. En 2022, environ 40% des élèves au Maroc ont déclaré ne pas bien travailler dans la plupart ou dans la totalité des cours (moyenne OCDE: 23%); 46% des élèves n’écoutent pas ce que dit l’enseignant (moyenne OCDE: 30%); 39% des étudiants sont distraits par l’utilisation d’appareils numériques (moyenne OCDE: 30%); et 36% sont distraits par les autres élèves qui utilisent des appareils numériques (moyenne OCDE: 25%).
Enfin, l’effet Covid est à prendre en considération pour l’analyse des résultats obtenus entre 2018 et 2022. Lors de l’enseignement à distance, «39% des élèves au Maroc ont eu des difficultés au moins une fois par semaine à comprendre les devoirs scolaires et 39% des élèves à trouver quelqu’un qui pourrait les aider dans leurs devoirs (moyennes OCDE: 34% et 24%)».
Méthodologie
Quelque 690.000 élèves ont passé l’évaluation en 2022, ce qui représente environ 29 millions d’élèves de 15 ans dans les écoles des 81 pays et économies participants.
Au Maroc, 6 867 élèves, répartis dans 178 écoles, ont complété l’évaluation en mathématiques, lecture ou sciences, ce qui représente environ 455 000 élèves de 15 ans (environ 76% de la population totale des 15 ans).
Les étudiants ont passé deux tests d’une heure, chacun consacré à une matière. Différents élèves devaient répondre à différentes questions de test et à différentes combinaisons de matières (par exemple, mathématiques suivies de lecture, ou sciences suivies de mathématiques, etc.). Les éléments du test étaient un mélange de questions à choix multiples et de questions obligeant les étudiants à construire leurs propres réponses.