Le nord du Maroc (Tanger – Tétouan) ne serait plus que l’ombre de lui-même. Autrefois véritable paradis de la faune et de la flore, cette région frôlerait la « banqueroute écologique ». C’est du moins ce qu’annonce l’Economiste, dans son édition du 18 février, en se basant sur un rapport au vitriol de l’Observatoire régional de l’environnement. Un rapport alarmiste, qui affirme que les indicateurs de pollution «commencent à s’affoler».
Quand l’or bleu est polluéPremier problème à être mis en exergue dans cet inquiétant rapport: la qualité de l’eau. Dans le nord du Maroc, le potentiel des ressources hydriques atteint près de 4 milliards de mètres cubes par an, dont un dixième en eaux souterraines. Si la qualité de l’eau est jugée plutôt excellente dans 80% des cas, elle l’est beaucoup moins en revanche dans les endroits situés en aval des rejets ménagers ou industriels. Logique, somme toute, sauf que c’est dans le milieu rural que les ressources en eau sont le plus polluées et impactées par ces rejets! En cause? Le raccordement aux réseaux de collecte d’eau usée, qui atteint 80% des foyers en milieu urbain, mais seulement 1 foyer sur 8 en milieu rural. Or, les prévisions sont loin d’être optimistes. En effet, au cours des quinze prochaines années, les rejets liquides passeront de 64 millions de mètres cubes (2010) à 81,4 millions en 2030. A ce rythme, les habitants en milieu rural pourraient bien finir par s’empoisonner en buvant de l’eau, qu’elle provienne de cours d’eau ou des nappes phréatiques. Et si la région s’est dotée de plusieurs stations d’épuration, celles-ci ont seulement été installées en ville ou à sa périphérie.
Encombré de déchetsAutre points noir notifié dans le rapport de l’Observatoire régional de l’environnement: l’état des déchets ménagers. Au cours des quinze prochaines années, ils devraient passer de 900.000 millions de tonnes à plus d’un million de tonnes par an. Et encore une fois, précise l’Economiste, c’est le rural qui risque de payer le prix fort. En effet, le taux de collecte des déchets atteint les 90% en ville, contre 12% dans les campagnes, et n’atteindra que 50% d’ici 2030 (uniquement pour les chefs-lieux). Problème: quand bien même ces déchets seraient collectés, la région ne pourrait s’en débarrasser, du moins d’une manière saine pour l’environnement. Celle-ci compte une dizaine de décharges hors de tout contrôle, donc illégales, situées au beau milieu des habitations citadines.
L’air, une question de survie !Troisième problématique soulevée par le rapport, et non des moindres: la qualité de l’air. Globalement, dans la région, la qualité de l’air est relativement bonne. Seulement, dans les zones situées à proximité des principaux axes routiers, cette qualité commence ostensiblement à se gâter. «Un phénomène qui atteint des dimensions désastreuses dans les montages et les forêts du Rif», selon le quotidien économique. Au niveau de Loukkous, la dégradation atteindrait près de 4.200 tonnes de sols fertiles tandis qu’au niveau de Tanger elle atteindrait 3.200 tonnes. Une dégradation favorisée par la forte pluviométrie qui, par ricochet, contribue à l’envasement des barrages et la réduction des réserves d’eau douce.
Le Détroit menacé par une marée noire ?Le rapport va de mal en pis. Après l’eau, les déchets et l’air, la région serait également menacée par les marées noires. Dans un détroit où plus de 100.000 bateaux naviguent quotidiennement -dont de grands pétroliers- difficile d’éviter la collision entre deux ou plusieurs navires. Un danger en constante augmentation depuis l’accroissement de l’activité de soutage au large du détroit de Gibraltar, à Sebta, Algésiras et Tanger Med. Ceci dit, inutile de préciser que si ce risque est bel et bien plausible, il reste néanmoins rarissime.
La forêt: dernier refuge de la biodiversitéDernier bastion de la riche biodiversité de la région, le domaine forestier, qui couvre 414.000 hectares de ce territoire et est également menacé. Parmi les principales menaces: l’absence de délimitation du domaine forestier, qui ouvre notamment la porte à la prolifération (nocive) des carrières de sable, les incendies qui ont déjà ravagé 5% de la superficie totale de la forêt, ou encore le pâturage des brebis et des bovins (une douzaine de brebis par hectare peut suffire à réduire la couverture verte de 33 à 19%). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mis en place une succession de «plans de sauvetage». Mais, comme beaucoup d’autres, ils n’ont eu aucun effet.