Au cœur de Casablanca, le Marché central est bien plus qu’un simple lieu de commerce: c’est une institution, un témoin vivant de l’évolution de la ville, qui change peu à peu de vocation. Les étals de fruits, de légumes, de poissons et de viandes cèdent la place aux restaurants qui poussent comme des champignons. Et un peu dans le désordre. L’annonce de sa (vraie) réhabilitation a un temps laisser espérer un souffle nouveau pour cette adresse emblématique mais vétuste de la capitale économique. Mais il faudra s’armer de patience.
Dotés d’une enveloppe de 60 millions de dirhams et confiés à l’entreprise Réalités Maroc, les travaux de réaménagement ont été reportés pour des raisons logistiques, mais aussi politiques, laissant les commerçants sans visibilité. Si l’ambition affichée par la ville est de préserver l’authenticité du lieu tout en l’adaptant aux standards modernes, les détails sur le déroulement du chantier, sa durée et les aménagements prévus restent flous. Pour l’heure, il faudra se contenter des grandes lignes: des commerces sur deux niveaux, une plus grande offre de restauration, des aménagements pour une meilleure accessibilité et un parking souterrain.
«Aujourd’hui, dans le cadre de la mise à niveau de Casablanca, nous avons une nouvelle vision pour que les marchés historiques retrouvent leur éclat. Soit nous les réhabilitons, soit nous les reconstruisons entièrement, comme c’est le cas pour le marché de Bab Marrakech», explique Jawad Rassam, vice-président du conseil de l’arrondissement de Sidi Belyout. «Ce marché, pensé comme un prolongement de l’hôtel Lincoln, également en cours de rénovation, proposera des espaces piétons agréables et des aménagements dédiés aux visiteurs. L’ambition est de créer un pôle d’attraction harmonieux et intégré où se mêlent patrimoine et modernité», ajoute-t-il.
Au Marché central de Casablanca. (A.Gadrouz/Le360)
Malgré l’ambition affichée, plusieurs obstacles se dressent sur la route du projet. Les démarches administratives et les désaccords entre les institutions concernées ont ralenti la mise en œuvre. Des retards dans les autorisations et les procédures administratives ont freiné le lancement des travaux. Pour les tenants des 306 échoppes qui forment ce marché, c’est l’angoisse. Le souvenir de l’échec d’une première tentative de réhabilitation est encore vivace. Avec une enveloppe budgétaire de 16 millions de dirhams, des travaux ont bien été menés en 2019. Mais axés sur des considérations d’ordre esthétique, ils n’auront servi qu’à peu d’améliorations.
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Autre source d’inquiétude, la certitude qu’une fois les travaux lancés, le marché devra être fermé entièrement. Des discussions sont en cours pour trouver des solutions de recasement temporaire pour les commerçants ou des compensations financières. Mais pour l’instant, rien de concret n’a été annoncé.
«Nous ne sommes pas contre la rénovation, mais nous avons besoin de garanties. Nous avons déjà été exclus de la réunion du conseil communal où le projet de rénovation du marché a été discuté alors que nous sommes les premiers concernés. Et nous voyons bien que le projet de 2019 a finalement été de la poudre aux yeux», s’indigne Abdelilah Akkouri, président de l’association des commerçants du Marché central. «Ce que nous demandons, c’est de prendre part à chaque étape du projet», ajoute Akkouri. Pour lui, un marché rénové est bénéfique pour tous mais pas au détriment des moyens de subsistance des commerçants qui l’occupent. Entre désaccords des uns et résistance des autres, le chantier ne sera pas entamé de sitôt.