Entendons-nous: c’est bien la Russie qui a envahi l’Ukraine, le 24 février 2022. C’est bien Vladimir Poutine qui a pris cette décision et qui l’a revendiquée dans un discours prononcé le jour-même: «J’ai pris la décision d’une opération militaire spéciale, etc.» Tout cela ne souffre aucune ambiguïté. Qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas. C’est bien la Russie qui a envahi l’Ukraine.
En revanche, rien n’obligeait les États-Unis et la majorité des pays européens à entrer dans la bataille et donc à déclarer la guerre, implicitement, à la Russie.
L’Ukraine n’était pas membre de l’Otan -et elle ne l’est toujours pas, d’ailleurs. L’article 5 du traité qui a constitué cette alliance militaire défensive, traité signé le 4 avril 1949, stipule que si un des pays signataires est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance doit considérer cet acte comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres -et d’abord contre lui-même. L’article 5 aurait justifié que les Alliés entrent dans le confit si l’Ukraine avait fait partie de l’Otan. Or, ce n’était pas le cas.
Ainsi, l’entrée en guerre de ces pays ne découlait pas automatiquement, collectivement, du traité de 1949. Par conséquent, ça a été une décision souveraine de chacun des pays belligérants: États-Unis, France, Pologne, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, etc.
Comment, pourquoi ont-ils fait cela? Qui, dans chacun de ces pays, a déclaré la guerre à la Russie?
Logiquement, juridiquement, chaque Parlement aurait dû se réunir solennellement et prendre cette décision d’une extrême gravité. En France, le premier alinéa de l’article 35 de la Constitution subordonne la déclaration de guerre à l’autorisation du Parlement. Vous avez vu quelque part que le Parlement français avait autorisé Macron à déclarer la guerre à la Russie? Moi non plus. Et l’escalade continue: Macron vient de décider hier (mardi 11 juillet) d’envoyer sur le front les redoutables missiles français Scalp pour frapper l’armée russe en profondeur. Et si les Russes tiraient des missiles sur Paris?
Pour ce qui est des États-Unis, l’article 1 de la Constitution stipule que c’est le Congrès qui a le pouvoir de déclarer la guerre. Or, c’est le Président Biden qui a décidé d’entrer dans la danse sans demander au Congrès une déclaration formelle de guerre. Par ailleurs, il vient de décider de fournir à l’Ukraine des armes à sous-munitions, armes tellement épouvantables qu’elles sont interdites par la plupart des pays du monde. Qui peut encore croire à la fiction selon laquelle Washington n’est pas partie prenante au conflit?
On pourrait continuer longtemps comme ça. Ces pays qui ne cessent de nous donner des leçons de démocratie ont violé leurs propres Constitutions pour prendre une décision d’une extrême gravité puisqu’elle pourrait déboucher sur une guerre mondiale nucléaire, sur l’Apocalypse.
Par ailleurs, dans tout conflit, il y a deux récits. Dans le cas qui nous intéresse, il y a le récit ukrainien -«Moscou nous a attaqués sans raison»- et il y a le récit russe -«Kiev s’apprêtait à entrer dans l’Otan, il nous fallait donc récupérer les territoires historiquement russes avant qu’il ne soit trop tard, parce qu’une fois dans l’Otan ils étaient perdus à jamais». Or, ces pays européens si prompts à nous donner des leçons en ce qui concerne la liberté d’expression se sont empressés de supprimer tous les canaux qui exprimaient le récit russe -la chaîne de télévision Russia Today, par exemple, n’est plus disponible en Europe. Je rencontre tous les jours des Européens qui, pour cette raison, n’ont jamais entendu la thèse russe et qui sont plongés dans une grande perplexité quand ils en prennent connaissance.
Concluons par ce par quoi nous avons commencé: c’est bien la Russie qui a envahi l’Ukraine le 24 février 2022. Mais si cette «opération spéciale» est devenue une vraie guerre, une sale guerre qui pourrait entraîner une catastrophe nucléaire, voire la fin de l’espèce humaine, c’est parce que quelques individus, Présidents ou Premiers ministres de pays occidentaux, ont pris la décision de déclarer la guerre à la Russie, en violant leurs propres Constitutions, en dehors de tout contrôle démocratique.
Et ce sont ces gens-là qui prétendent nous donner des leçons de gouvernance et de démocratie?