Qui n’a pas entendu parler de conflits entre frère et sœur inégaux en termes successoraux? On entend encore dire que la femme n’hérite que de la moitié de ce qu’hérite un homme du même degré de parenté. Par ailleurs, dans certaines situations où les parents n’ont eu que des enfants filles, ou pas d’enfant du tout, le risque est grand de voir débarquer les oncles, tantes et leurs progénitures mâles pour empocher une partie du legs comme le légitime la loi musulmane. Cheval de Troie des associations féministes, ces arguments sont utilisés, dans un autre contexte, comme preuve indélébile pour responsabiliser les hommes. Si le mari doit prendre en charge l’entretien de son épouse jusqu’à la fin des temps, c’est à cause des lois sur l’héritage. «On prend moins que les hommes à l’héritage, donc c’est normal qu’il existe une compensation venant du mari», répètent à l’unisson les femmes! L’affaire est exhibée comme un substrat masculin millénaire qui justifie leur prise d’assaut de la bourse de l’homme.
D’abord, il faut prendre conscience –un exercice complexe, je le concède- que les parents de l’épouse n’ont rien à voir avec le mari de cette dernière. À moins d’avoir une hallucination, le père et la mère ne sont point le mari. On passe ainsi de l’héritage dont sont responsables les parents, à l’entretien de l’épouse par le mari. Pourquoi ce dernier devrait-il être accusé des décisions prises par les parents de sa femme? Ce déplacement de la culpabilité est arbitraire. C’est un raccourci irrationnel qui n’a aucune logique.
Alors, je vais vous parler aujourd’hui de cet argument fallacieux de l’héritage afin de le déboutonner! Et vous démontrez qu’il n’en est rien. Que le discours des femmes est exagéré, voire orienté pour les besoins de leur cause.
La réalité de l’héritage des hommes est bien différente... Ce que l’on garde toujours sous silence, c’est que le mari, lui non plus, n’est pas mieux loti en cas d’héritage de sa défunte épouse! Nul n’aborde ce sujet ou n’en fait état puisqu’il s’agit dans notre société de plaider pour les droits exclusifs des femmes. Pourtant, le mari ne peut prétendre qu’à la moitié de l’héritage de son épouse si celle-ci n’a pas de descendance issue de l’actuel ou d’un ancien mariage, et au quart de cet héritage en cas de descendance. L’autre moitié des biens et d’argent est destinée à la famille de l’épouse: sa mère, son aïeule, son aïeul, ses frères et sœurs utérins, ses frères et sœurs germains, ses oncles, ses grands-oncles et toute la descendance mâle. La belle-famille du mari peut intervenir donc pour réclamer son dû comme pour le versant de l’héritage laissé par l’homme à l’épouse.
On peut lire dans le Code de la famille: «[L’époux a] droit à une part de Fardh (héritage direct), égale à la moitié de la succession [de l’épouse décédée], à condition que son épouse n’ait laissé aucune descendance à vocation successorale tant masculine que féminine» (article 342).
Le mari n’a droit qu’au quart de l’héritage si son épouse a une descendance issue de l’actuel ou d’un ancien mariage: «[L’époux a] droit à une part de Fardh, égale au quart de la succession en concours avec une descendance de l’épouse ayant vocation successorale» (Article 343).
La famille ascendante et horizontale de l’épouse décédée récupère, pour chacun de ses membres, «un sixième de l’héritage: le père de l’épouse, l’aïeul paternel, les frères germains et consanguins, les oncles paternels germains ou consanguins, les oncles paternels germains ou consanguins de l’aïeul paternel et toute leur descendance mâle» (Article 349). Toute la smala de la défunte épouse est invitée à partager l’héritage avec l’époux! Voilà une vérité du droit de succession méconnue qui pénalise le mari. Dans le Code de la famille, cette intromission de la belle-famille, pour l’homme et pour la femme égaux à ce sujet, est appelée taassib. Et la belle-famille qui la pratique est désignée sous l’appellation de «assiba». Etymologiquement tiré du même mot que: «issaba», à savoir l’équipée, ou le gang. Tout est dit. La belle-famille, même si elle n’a pas vu le couple visé depuis des années, va pouvoir se présenter en souriant devant le juge ou les adouls pour réclamer une partie de l’héritage.
Dans le cas où l’épouse défunte possédait de l’argent, une maison ou une voiture, ces biens doivent être partagés entre son mari et les ayants droit de la branche de sa femme.
Le taassib est partagé par l’homme et la femme. Dans ce sens, l’homme et la femme sont traités indistinctement par le droit de succession. A moins de mal lire le droit de succession ou, pis, d’utiliser une partie des lois pour défendre la femme en oubliant que ces mêmes lois s’appliquent identiquement à l’homme, on peut considérer qu’il s’agit de mauvaise foi ou, au bas mot, de méconnaissance des lois. Parler de l’héritage revient également à considérer la position inconfortable de l’homme dans le Code de la famille, et dans les versets du Coran réservés au droit de succession (notamment dans la sourate «Les Femmes»).
Abordons à présent l’écharde de l’inégalité entre le frère et la sœur. En effet, l’héritier garçon prend deux fois de ce que prend l’héritière fille. La majorité des hommes est consciente du tort fait aux femmes. La cause est entendue. Le Marocain n’est pas un loup pour la femme. Il lui donne tout: la dot, la pension alimentaire, la pension de l’entretien. Il se charge de la pension des enfants en cas de divorce. Il garantit, dans une très large majorité des couples, le loyer ou l’achat du logement... Personne ne peut douter de sa bonne foi, sauf les esprits malveillants.
Pourtant le Royaume a apporté une réponse à cette question.
De plus en plus de parents choisissent la donation hiba avant leur décès, pour équilibrer les parts d’héritage entre leurs fils et leurs filles. La hiba sert aussi à protéger des ayants droit collatéraux (taassib). Il s’agit d’un document réalisé par les adouls ou les notaires pour les descendants en ligne directe, régi et accepté par la religion musulmane.
Il existe aussi la donation nihla, qui s’applique aux épouses et aux époux pour qu’ils reçoivent plus que ce que préconise le Code de la famille.
Enfin la troisième et dernière forme de donation utilisée au Maroc est la sadaka. Cette donation aumônière servira uniquement aux légataires sans lien parental, mais le donateur ne peut offrir qu’un tiers de ses biens.
Dans la hiba, les parents peuvent procéder à une donation pleine et entière sans usufruit. Ils peuvent garder l’usufruit de leurs biens jusqu’à leur mort. Légalement, le bien est mis au nom du donateur et du légataire, car sur le certificat de propriété, il est spécifié que le parent dispose de 100% d’usufruit et la fille de 100% d’abusus au décès du donateur. Si elle est majeure, la femme doit accepter formellement le bien, mais si elle est mineure, un ayant droit autre doit la représenter (la mère vivante, le père vivant ou autre parent).
Nul n’est censé ignorer la loi. Si le parent légataire a laissé une terra incognita à sa mort, bien sûr que l’héritage musulman va poser problème à ses enfants filles!
Pour enterrer définitivement l’inégalité entre fille et garçon, l’État marocain a fait des efforts, depuis vingt ans, pour que la donation se généralise. Il devrait davantage encourager les imams à prêcher sur la solution de la donation musulmane, dans les enceintes des mosquées, pour mieux communiquer avec la société. Les télévisions publiques nationales pourraient produire des séries populaires sur cette question. Et, pourquoi pas, afin de contourner l’inégalité dans l’héritage tant houspillée, les associations féministes et celle des droits de l’Homme pourraient réserver une partie des subventions qu’elles reçoivent pour lancer des campagnes publicitaires de sensibilisation, et subventionner des livres et des bandes dessinées pour les jeunes.
La donation est le seul moyen qui prévaut actuellement. Il est simple et pratique. Le Code de la famille ne modifiera pas une ligne de ce qui est venu dans le Coran sur l’héritage. Promouvoir la donation et permettre aux mères et pères de léguer leurs biens et de l’argent avant le trépas ferait cesser les velléités des féministes sur le taassib et le droit de succession des enfants.
Même chose à faire avec la donation nihla: l’épouse protégera son mari, et ce dernier sa femme, de la «issaba».
Alors, comme dit le dicton, une personne avertie en vaut deux!