Poursuivi en état de liberté pour onze chefs d'accusation, dont ceux d'«outrage à des fonctionnaires publics et à la justice», «injure contre un corps constitué», «diffamation», «adultère» ou encore «harcèlement sexuel», Me Mohamed Ziane a été condamné, mercredi 23 février 2022, par le tribunal de première instance de Rabat à trois ans de prison ferme.
Il devra également s’acquitter d’une amende de 5.000 dirhams, verser un dirham symbolique à l’Etat marocain, ainsi que la somme de 100.000 dirhams à Najlae Al Faisali, l’une des plaignantes.
Résidente aux Emirats arabes unis, la présumée victime de l’ancien ministre des Droits de l’homme avait en effet déposé une plainte en juillet 2021 auprès du procureur général de Rabat pour «harcèlement», «extorsion» et «chantage sexuel».
Contactée par Le360 suite à l’annonce du verdict prononcé par le tribunal de première instance de Rabat, Najlae Al Faisali se montre catégorique, «nous allons faire appel du verdict». Pas question pour elle de s’arrêter là. «Cet homme mérite beaucoup plus que trois ans de prison ferme au regard des faits dont il s’est rendu coupable», estime-t-elle.
Les dessous d’une sombre affaire de mœursL’histoire commence en 2019 lorsque Najlae Al Faisali, à la tête d’une agence de production musicale, fait appel aux services de l’avocat marocain. «Ma mère, septuagénaire et atteinte d’Alzheimer, était interdite de voyager et de quitter le territoire» des Emirats arabes unis, explique la jeune femme, qui considère alors ce cas comme une affaire relative aux droits de l’homme. Et pour cause, cette interdiction sous le coup de laquelle tombe sa mère est en lien avec une affaire juridique qui touche à son entreprise. Najlae Al Faisali a pourtant obtenu un jugement en sa faveur aux Emirats, mais peine à obtenir son exécution.
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C’est là qu’elle entend parler de Me Mohamed Ziane, grâce à des vidéos qui circulent sur le web. «J’ai découvert cet homme, fin 2019, qui dans le cadre d’une affaire politique parlait avec force et courage. Il prétendait défendre les pauvres, les gens lésés et par-dessus tout les droits de l’homme», se souvient la jeune femme.
«Je lui ai tout raconté au téléphone et par messages», relate-t-elle, avant de lui demander le montant de ses honoraires. Mais rien ne se passe comme prévu. «Je ne veux rien!», voici la réponse que lui aurait faite Mohamed Ziane.
Najlae Al Faisali demande alors à Mohamed Ziane s’il peut se rendre aux Emirats arabes unis pour discuter de son affaire, mais il refuse. Il accepte de traiter cette affaire à condition de rencontrer sa cliente au Maroc pour en discuter dans un cadre professionnel. Najlae Al Faisali se trouve devant un dilemme et ne peut se résoudre à laisser derrière elle, aux Emirats, sa mère dont elle a la tutelle… Malgré cette contrainte, Mohamed Ziane campe sur sa position tout en lui promettant qu’il l’accompagnera ensuite aux Emirats arabes unis pour plaider sa cause.
Elle accepte donc de se rendre au Maroc, confiante dans les institutions de son pays, confiante surtout «en un ancien ministre des Droits de l’homme, un homme âgé, bâtonnier de l’ordre des avocats», explique-t-elle. Mais, poursuit-elle, «il n’a eu de cesse alors de me faire des requêtes: un téléphone plaqué or, un parfum…». Des cadeaux de luxe dont le montant avoisinerait les 200.000 dirhams.
A peine arrivée au Maroc, la jeune femme déchante. «Le jour où elle arrive au Maroc, il l’emmène directement dans un restaurant italien à la Marina. Elle veut savoir à quel moment ils parleront de son affaire mais il lui rétorque qu’ils le feront à l’hôtel Mövenpick à Tanger, où ils passeront la nuit», relate pour Le360 Me Hatim Beggar, l’avocat de la plaignante. La jeune femme refuse la proposition de Mohamed Ziane qui coupe dès lors tout contact avec elle.
C’est alors qu’elle décide de se rendre à son cabinet. «Elle y trouve son fils, Me Reda Ali Ziane à qui elle explique la situation et qui la rassure», relate Me Beggar. Un peu plus tard, Mohamed Ziane refait surface et l’appelle pour s’excuser de son comportement. «Tout ça est enregistré sur des audios qu’il lui a envoyé et le contenu des audios figure sur les comptes rendus de la police judiciaire», précise Me Beggar.
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De retour aux Emirats arabes unis, Najlae AlFaisali fait face à un véritable harcèlement de la part de son avocat. Refusant de céder à ses avances, elle tombe alors sous le coup de menaces. La voix tremblante d’une rage à peine contenue en évoquant ces moments, Najlae Al Faisali se souvient comment cet homme «a été sans pitié pour une femme âgée qui souffrait d’Alzheimer». Et pour cause, celui-ci se serait livré à un véritable chantage en menaçant la jeune femme de ne pas s’occuper du dossier juridique de sa mère si elle ne cédait pas à ses avances. «Il a oublié sa profession et m’a harcelée. Il se sert de la détresse des gens pour les faire chanter», poursuit Najlae Al Faisali.
Messages, photos et vidéos de lui, nu, ou en tenue légère dans sa salle de bain… Mohamed Ziane n’aura de cesse de harceler Najlae Al Faisali qui tente, quant à elle, de régler ça à l’amiable. «Elle lui demandait où il en était dans le suivi de son affaire, mais des fois il reportait, parfois aussi il bloquait son numéro de téléphone ou encore lui envoyait son fils sans lui demander son accord pour le représenter», relate Me Hatim Beggar.
Puis en 2021, tout bascule pour la jeune femme:sa mère décède et elle décide alors de mettre un terme à ce cauchemar en portant plainte, au mois de juillet de la même année, contre Mohamed Ziane.
A la victime de prouver son innocence«Onze chefs d’accusation! Que se croit-il? Qu’il est au-dessus de la loi?», s’insurge la plaignante qui considère que trois ans de prison, ce n’est pas assez en comparaison de «l’immense douleur» qu’elle ressent. Ce qu’elle exige?«La peine capitale», car rien ne saurait lui faire pardonner la souffrance infligée à sa mère. Toutefois, tempère Me Hatim Beggar, «le volet pénal de l’affaire n’est pas de notre ressort, je m’occupe de la procédure civile liée au procès. S’agissant de la durée de la peine, elle est du ressort du parquet et du tribunal». La réaction de sa cliente, il la comprend et conçoit «son amertume par rapport à ce qu’elle a subi en tant que personne, mais aussi en tant que femme. Il l’a humiliée et lui a fait subir un harcèlement sexuel permanent», rappelle-t-il.
Quant à ses détracteurs ou à une certaine presse étrangère si prompte à voir dans l’accusé un défenseur des droits de l’homme que le makhzen tenterait de faire taire en l’impliquant dans une affaire de mœurs, Najlae Al Faisali leur répond de façon tranchante. «Personne ne peut m’acheter! Les faits sont là et les preuves aussi, et elles datent de plusieurs années», conclut-elle. Ces preuves qu’elle brandit tiennent en des échanges téléphoniques, des photos et des vidéos compromettantes de son ancien avocat… Autant de preuves envoyées par ce dernier «depuis son numéro de téléphone espagnol et son autre numéro marocain», précise-t-elle. Un matériel probant, des pièces à conviction qui ont été remis à la justice dans le cadre de l’enquête.
«Pourquoi Me Ziane n’a-t-il pas demandé une expertise? Pourquoi n’a-t-il pas réagi? C’est son numéro de téléphone, il l’a reconnu et c’est le numéro de Najlae. C’est bien sa voix que l’on entend dans les audios… L’enquête a prouvé que ces audios et ces photos de lui en culotte, nu dans sa salle de bain sont bien les siennes», commente Me Hatim Beggar, irrité par le pseudo militantisme des droits de l’homme bafoué derrière lequel se réfugie l’accusé pour assurer sa défense. «Tout au long de la procédure, nous nous sommes tus, alors qu’il a passé son temps à l’insulter, à la taxer de chata7a (danseuse, Ndlr). C’est de la diffamation, c’est un crime aux yeux de la loi. En tant qu’avocat, où est donc passée sa déontologie?», clame Me Hatim Beggar.
«Le pire dans tout ça, c’est qu’ils ont nié qu’ils connaissaient cette femme», s’insurge-t-il en évoquant la ligne de défense de la partie adverse, laquelle consistait à jeter le discrédit sur la plaignante, en faisant référence aux affaires de Omar Radi et de Souleimane Raissouni qui auraient eux aussi été piégés de la même manière. «La victime, une femme, est devenue la coupable, elle n’a même pas eu le bénéfice du doute. C’est à elle de prouver son innocence», explique Me Hatim Beggar.
Epilogue…«Je vais faire appel car le préjudice est toujours là et peu m’importe le montant qu’il devra payer à la victime, qu’il soit de 100.000 dirhams ou même de 1 million de dirhams. Ce qui m’importe c’est d’être présent, de plaider et ensuite de faire obtenir gain de cause à la victime, de faire porter son message pour que tout le monde connaisse le vrai visage de cet homme qui se prétend militant des droits de l’homme alors qu’il n’a eu de cesse de les piétiner de la pire des manières avec ma cliente», conclut Me Hatim Beggar.
Quant au fait que Mohamed Ziane soit poursuivi en état de liberté, Me Beggar y voit «la garantie d’un procès équitable».