La justice marocaine vient raviver un dossier explosif que beaucoup pensaient enterré depuis quatorze ans. À la Cour d’appel de Rabat, le juge d’instruction Abdelkader Chentouf a décidé de rouvrir une enquête tentaculaire portant sur des accusations de corruption, de détournement de fonds publics et de graves infractions urbanistiques à Salé. Un dossier qui avait, en 2011, ébranlé la scène politique locale en conduisant à l’arrestation de plusieurs figures influentes de la région, écrit le quotidien Assabah dans son édition du weekend du 29-30 novembre.
Au cœur de l’affaire, des responsables politiques de premier plan: Jamaâ Mouatassim, ex-président de l’arrondissement Tabriquet, Noureddine Lazrek, maire de l’époque et aujourd’hui président du Conseil préfectoral de Salé, ainsi que Rachid El Abdi, actuel président du Conseil régional de Rabat-Salé-Kénitra. S’y ajoutent le député Mohamed Aouad et une série d’élus, d’ingénieurs du service de l’urbanisme et de promoteurs immobiliers. Tous avaient été accusés d’avoir facilité ou couvert des pratiques illégales dans l’octroi d’autorisations de construction, en violation des cahiers des charges et des règles d’urbanisme.
L’ancien conseiller communal, Abdelattif Benazzouz, premier plaignant, a récemment été réentendu. Il a maintenu, point par point, les accusations qu’il portait contre les responsables locaux, les accusant d’avoir permis des constructions illégales en échange de faveurs et d’avantages. D’autres plaignants doivent encore défiler devant le juge, parmi lesquels Driss Sentissi et Abdelkader El Kihel, deux acteurs politiques majeurs de Salé qui se retrouvent aujourd’hui alliés au sein de la coalition dirigeant la ville, écrit Assabah.
La réactivation de cette affaire, restée ouverte mais inactive pendant plus d’une décennie, intervient dans un contexte politique particulièrement sensible. Le ministère de l’Intérieur martèle depuis plusieurs mois la nécessité de moraliser la vie publique et d’écarter les profils à forte suspicion avant les élections de 2026. Dans les sièges des partis, beaucoup ont interprété les déclarations du ministre comme un avertissement direct: les candidats dont le nom apparaît dans des dossiers judiciaires pourraient se voir barrer la route.
Cette perspective inquiète nombre de responsables, car les mis en cause figurent parmi les poids lourds électoraux de la région. Leur influence dépasse les partis et s’étend à un maillage dense d’associations culturelles, sportives et sociales, souvent déterminantes dans la mobilisation des électeurs, lit-on dans Assabah.
La relance du dossier pourrait ainsi rebattre les cartes à Salé et au-delà, fragilisant des alliances politiques fraîchement consolidées. Dans une région où les réseaux d’influence sont puissants et anciennement installés, l’évolution de l’enquête est scrutée de près. Elle pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la corruption locale, ou au contraire révéler une nouvelle fois les limites de la transparence dans la gouvernance territoriale.








