L’anecdote, la dérision voire le sarcasme, naissent le plus souvent des situations les plus dramatiques. La conjoncture actuelle ne déroge pas à cette règle. Et les Marocains, comme sans doute d’autres nations, s’en sont donnés à cœur joie. Les conversations quotidiennes et les posts publiés sur les réseaux sociaux ne manquent pas de blagues ou de boutades, avec comme vedette le coronavirus. Dans son édition du 2 au 8 avril, l’hebdomadaire Al Ayyam fait le tour des nouveautés en la matière.
Naturellement, la référence religieuse est très présente. La première blague racontée par le quotidien nous renvoie justement aux premiers temps de l’islam. Celui de la grande discorde. Ainsi, ironise l’hebdomadaire, «en ces temps de coronavirus, la faction sauvée est certainement les mouaâtazila (Comprendre, ceux qui sont restés à l’écart, qui se sont séparé de la communauté et qui sont donc restés chez eux). La faction perdue est certainement celle des khawarij (les dissidents, ou dans notre cas ceux qui sortent dans la rue)».
Plus terre à terre, cette autre anecdote sur un mari, qui, resté très longtemps chez lui, a fini par tomber amoureux de sa femme et l’a même demandée en mariage, ou encore cette autre réflexion également d’un mari: «enfin en tête-à-tête avec ma femme, nous avons engagé la conversation et nous nous sommes finalement rendus compte que nous sommes de la même famille». Certains férus de poésie arabe se sont même amusés à détourner un vers d’Al Moutanabbi, un poète du Xe siècle. C’est ainsi que «l’homme avisé est malheureux au sein du plaisir, alors que le vulgaire vit insoucieux dans la peine» est devenu à peu près: «l’homme avisé est heureux en restant dans son lit alors que le vulgaire gambade dans les rues».
Moins savante, cette autre raillerie sur un garçon qui demande à sa maman si son papa, à force de rester à la maison, va vivre avec eux pour toujours. Pour les bigames qui se retrouvent subitement coincés à cause du confinement sanitaire, une offre à ne pas rater. «Vous avez pris une deuxième épouse sans que la première ne soit au courant et vous être resté bloqué chez celle-ci. Vous voulez sans doute changer d’air sans que cela ne paraisse louche aux yeux de votre épouse ou ne soit légalement répréhensible? Nous avons la solution. Faites semblant d’avoir attrapé le coronavirus, nous nous chargerons du reste. Nous viendrons vous cherchez chez vous pour vous déposer chez votre deuxième femme. Nous vous ramènerons deux semaines plus tard. Le tout pour seulement 5.000 dirhams, incluant les frais d’ambulance, la tenue de camouflage et les charges du personnel».
Une autre plaisanterie qui a fait le tour des réseaux sociaux: «pour ceux qui ne comprennent toujours pas la gravité de la situation, cliquer sur l’option paramètre de votre cerveau, cherchez mode : “mulet”, cliquer sur “désactiver”. Ensuite, chercher mode : “humain” et cliquer sur “activer”». De l’informatique, on passe à la mécanique auto. C’est le cas de ce mécanicien qui, à force de rester à la maison à ne rien faire, il s’est mis à observer la façon de marcher de sa femme. Il a fini par se rendre compte qu’elle «tire un peu à droite».
En continuant ce chapelet d’anecdotes, l’hebdomadaire évoque le cas de cet époux auquel sa femme a enjoint de sortir. Il lui répond: «Je suis ici en vertu d’un décret ministériel». Al Ayyam reprend également ce conseil censé émaner d’un médecin: «Si, après être resté chez vous pendant 15 voire 20 jours, vous remarquez des points verts un peu partout sur votre peau, ne craignez rien. Ce n’est que de la moisissure». Dans le même sens, cette directive d’une association de psychiatres: «Si vous en êtes à parler aux murs, aux plantes, aux vases et aux autres objets de votre maison, ce n’est pas la peine de nous appeler. N’hésitez pas, par contre, à le faire si ces objets vous répondent».
Naturellement, bien d’autres situations loufoques ont été inventées de toutes pièces. L’hebdomadaire en cite un bon nombre. Dans la plupart des cas, ce sont des blagues tirées du quotidien des Marocains. Mais, insiste Al Ayyam, loin de prendre à la légère cette situation de crise, les Marocains préfèrent, cependant, en rire autant que faire se peut. Le but étant de tenter de faire face à la crainte, voire à la frayeur, que suscite cette pandémie, mais aussi à la routine et l’ennui inhérents à l’état d’urgence sanitaire imposé depuis le 20 mars dernier.