Comment l’hôpital régional d’Agadir est devenu un mouroir

Entrée principale du Centre hospitalier universitaire Hassan II d'Agadir. 

Entrée du CHU Hassan II d'Agadir.  . DR

Revue de presseÀ Agadir, l’hôpital régional Hassan II est devenu le symbole d’un système de santé en faillite. Huit femmes enceintes y sont mortes en quelques jours, déclenchant une révolte citoyenne, malgré l’interdiction qui en a été faite. Face aux drames, aux pénuries et au silence, la rue a crié son indignation. Cet article, est une revue de presse, tirée du quotidien Al Ahdath Al Maghribia.

Le 15/09/2025 à 18h28

Dimanche soir, la place faisant face à l’hôpital régional Hassan II d’Agadir s’est transformée en théâtre d’un cri, populaire.

Plus de 600 hommes et femmes se sont rassemblés devant l’établissement pour dénoncer ce qu’ils appellent désormais «l’hôpital-cimetière».

Un hôpital pourtant présenté comme la plus grande structure sanitaire de toute la région Souss-Massa, indique le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, dans son édition de ce mardi 16 septembre.

«Ils n’étaient pas venus pour semer le désordre. Ils étaient venus, parce que trop de cercueils ont franchi les portes de ce bâtiment, qui devrait être un refuge, pas un tombeau», a-t-on pu lire.

Leur colère a explosé après une annonce, glaçante: huit femmes enceintes sont mortes en l’espace de quelques jours, dans les couloirs d’un hôpital censé (re)donner la vie.

Le wali, Saaïd Amzazi, anticipant la mobilisation, avait interdit cette manifestation de rue.

Les forces de l’ordre ont dû s’exécuter en dispersant la foule.

Mais, en vain. Les slogans ont fusé. Puissants. Réclamant dignité et vérité.

Ils ont tenu bon, brandissant les noms, et la mémoire des huit mères.

La vague de colère ne s’est, en effet, pas levée par hasard.

Depuis des jours, les réseaux sociaux bruissent d’histoires terrifiantes. Chaque patient est un drame, et, qui plus est, chaque famille, a un récit de souffrance.

Une vieille femme admise pour une fracture bénigne, est, en effet, restée bloquée plus d’un mois faute de produits anesthésiants.

Elle a fini par mourir, quelques jours après une opération tardive, relate Al Ahdath Al Maghribia.

Quant à une jeune maman, qui, après avoir donné la vie à son bébé, elle a, quant à elle, succombé, dans l’attente d’une prise en charge adéquate, a-t-on encore pu lire.

Dans les témoignages recueillis sur place par Al Ahdath Al Maghribia, on parle de services saturés, d’un manque criant de matériel de base, d’une absence, patente, de médecins, d’une pénurie de produits essentiels, de files d’attente interminables…

Une réalité indigne d’une ville dont le maire n’est autre, d’ailleurs, que le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et qui consacre des milliards à des projets incertains, mais où des femmes meurent encore, faute de soins élémentaires.

Face à cette indignation de la rue d’Agadir, la directrice régionale de la santé, Lamia Chakiri, a convoqué une conférence de presse, en urgence.

Dans une salle quasi-vide, elle a, enfin, reconnu l’évidence: oui, huit femmes sont bien mortes dans son hôpital.

Oui, les dysfonctionnements y sont graves.

Oui, la situation dépasse la capacité de l’établissement, saturé par les patients venus de tout le Souss, et même du sud du Royaume.

Mais, au lieu de réponses concrètes et immédiates, la directrice a servi un discours, lénifiant: des promesses de commissions d’enquête, des projets de cliniques de jour, des annonces de constructions futures à Taroudant, Aït Melloul, Tiznit, Oulad Taïma ou Tafraout…

De belles perspectives, mais que dire aux familles endeuillées?

Et, surtout, que dire aux femmes qui vont accoucher demain, après-demain, dans cet hôpital?

Le mutisme des responsables dans le Royaume, à commencer par ce même chef du gouvernement, et son ministre de la Santé, face à ce drame, n’a fait qu’exacerber la douleur dans la rue d’Agadir.

Ces huit femmes ne sont pas mortes d’une fatalité naturelle.

Elles sont, en effet, mortes d’un système à bout de souffle, d’une absence criante de gouvernance, et de responsabilités.

Elles sont, enfin, mortes parce que leur droit fondamental à la vie a été trahi, par ceux-là même qui prétendent le protéger.

Par La Rédaction
Le 15/09/2025 à 18h28