Cet article, je l’ai voulu joyeux. Mais je viens d’être attristée par le décès de Jean Zaganiaris. Une grande perte pour le milieu académique et littéraire marocain. Acteur du dialogue interculturel, sociologue, enseignant-chercheur et écrivain. Un homme et un intellectuel très apprécié de tous, tant pour ses valeurs humaines que pour ses écrits et ses débats. Qu’il repose en paix.
Son départ, subit, à 54 ans, me stimule davantage pour que je profite de la vie. Pour sa mémoire, je continue dans la joie!
Je déclare forfait. Je lève mon drapeau blanc. Assez des sujets lourds, graves, tragiques. Trop de malheurs. Le monde va mal? Oui. Mais là, maintenant, tout de suite: je veux respirer.
Je prends une pause du sérieux. Pas par insouciance, mais par hygiène mentale. À force de scruter la noirceur, on oublie la lumière. Et moi, je veux admirer le ciel, danser avec les étoiles, applaudir les couchers de soleil, chanter avec les vagues...
Je veux célébrer l’été dans toute sa splendeur.
Je refuse de vous parler des prix qui montent, du stress social, des conflits. Cette semaine, je n’écris pas pour alerter, dénoncer, analyser. Mais juste pour le sourire.
Je veux saluer la légèreté comme un acte de résistance joyeuse. Non pour fuir la réalité, mais pour m’en protéger. Il y aura toujours des sujets graves, et nous y reviendrons. Mais moi, aujourd’hui, la âyne chafate, la kalbe ouja’, refus de voir pour épargner mon cœur.
Je mets entre parenthèses la gravité, la tension, l’inquiétude, les alertes, les chiffres, les indignations justifiées. Cette semaine, je préfère les rires aux débats. Les grillades aux théories. Le sable chaud aux discours froids.
Oui, le monde tangue, vacille, titube. Mais il danse aussi. Il rit. Il aime. Il tend la main. Ce ne sont pas les drames qui manquent, mais les élans de bonté non plus.
L’actualité n’a pas à devenir notre baromètre intérieur. On peut rester informés sans être engloutis. Choisir ce que l’on laisse entrer, et à quelle dose.
Parce qu’à force de vouloir tout porter, on finit par se perdre. Et non, tu ne changeras pas le monde en portant sa douleur comme un sac de sable. Mais tu y contribueras autrement: en gardant ton cœur ouvert, en partageant un rire, une attention, une douceur. C’est comme ça que les choses basculent. Doucement. Silencieusement. Et parfois, joyeusement.
Ras-le-bol de la guerre, des bilans moroses, des rapports alarmants, des sommets climatiques qu’on grimpe sans jamais redescendre vers des solutions concrètes.
Je décide de déployer mon énergie ailleurs qu’en cherchant naïvement à contrôler l’incontrôlable, les incontrôlables. Trump, Poutine, Netanyahu et leurs semblables.
Mon énergie je la déploie dans la recherche du bonheur, à portée de main, pour mon équilibre. Échapper à la fatigue morale et émotionnelle, par ce désir de sens, de vérité, de répit dans un monde saturé d’incohérences, de souffrances.
«Je veux célébrer l’été dans tout ce qu’il a de futile et de délicieux. Parce qu’on l’oublie trop souvent: la légèreté est une forme de résistance»
Usée par un trop-plein de conscience. Et dans ce trop, il y a une usure. Une tension entre engagement et épuisement: vouloir être juste, nuancé, humain… mais être constamment submergé par la violence du monde.
Moi, j’ai un besoin vital de beauté, de paix, de silence intérieur.
Donc j’ai pris une décision radicale. Je fais une pause… Dans l’angoisse chronique. Dans l’indignation permanente. Dans le flot continu de mauvaises nouvelles.
Cette semaine, j’ai choisi la joie. Je veux écrire léger, digeste, presque effervescent.
Je veux parler de cette joie simple de sentir le bitume chauffer sous mes tongs. De ce plaisir de ne penser à rien, de ne rien programmer.
L’été, c’est cette saison où on peut enfin relâcher la ceinture morale qu’on serre un peu trop fort le reste de l’année.
Je ne suis pas cynique. Ce n’est pas un renoncement. C’est une respiration. Un repli stratégique avant la prochaine bataille d’idées. Parce qu’on ne peut pas porter le poids du monde sur les épaules 365 jours par an. On finirait bossus, aigris, les yeux ternes, sans éclat lumineux, le foie plein d’acidité. Et, incapable de rire.
Cette semaine, je m’autorise à écrire sur le bonheur de ne rien faire. Sur les joies de la crème glacée qui dégouline sur les doigts. Sur le plaisir non coupable de lire des romans d’amour où l’amour triomphe toujours. Je veux parler de siestes à l’ombre d’un figuier, de pique-niques, de baignades, de conversations inutiles mais essentielles. Des plaisirs simples. Ce sont eux qui composent le bonheur.
Je veux célébrer l’été dans tout ce qu’il a de futile et de délicieux. Parce qu’on l’oublie trop souvent: la légèreté est une forme de résistance. Refuser la morosité, même temporairement, c’est refuser de céder à la fatalité. C’est rappeler au monde, avec insolence, que la vie mérite encore qu’on en rie.
Et tant pis si certains me trouvent indécente de sourire pendant que d’autres pleurent. Il n’y a pas une jauge officielle du chagrin. Il y aura toujours, quelque part, une raison de pleurer. Mais cette semaine, j’ai décidé de faire une pause sur les larmes.
Parce que la joie, même fugace, même imparfaite, est une manière de dire au monde: je suis encore là. Et tant qu’on est encore là, on peut encore espérer. On peut encore aimer. Et rire. Et écrire des chroniques qui ne servent à rien, sauf à faire du bien.
Alors je vous souhaite une belle pause. Même courte. Même imparfaite. Autorisez-vous la légèreté, à vous charger en énergie positive. Le monde ne s’écroulera pas pour autant. Car nous avons de la chance d’être… encore… en vie.





