Sur instruction stricte du ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, les autorités ont procédé, samedi dernier, à la fermeture du centre d’accueil et de formation de Sidi Kacem.
Ce site à vocation socio-culturelle, financé sur fonds publics, a été détourné pour être exploité illégalement comme un hôtel privé, accueillant notamment des soirées artistiques, animées par des cheikhates, indique le quotidien Al Akhbar, le premier à avoir fait éclaté le scandale, dans son édition de ce lundi 28 juillet.
Selon Al Akhbar, la fermeture est intervenue après une visite d’une commission mixte, dépêchée immédiatement après la publication d’un premier article révélant l’absence totale d’autorisations légales pour l’exploitation de ce centre.
D’après le rapport du Conseil régional des comptes de Rabat-Salé-Kénitra, le président du conseil communal, Abdelilah Ou Issa (RNI), aurait accordé une autorisation sans l’aval de l’Agence urbaine, ni des autres instances concernées.
Les conclusions de l’enquête sont accablantes, écrit-on. Le site, exploité par la société Banassa Center, appartenant à un haut responsable du PAM, propose des services d’hébergement, de restauration et d’accueil sans le moindre agrément administratif, en violation flagrante des normes d’hygiène et de sécurité.
La commission de contrôle a relevé de multiples infractions: un stockage de denrées périmées, la présence de produits contaminés par des insectes, la prolifération d’insectes nuisibles dans les cuisines, et une utilisation anarchique de produits insecticides.
À cela s’ajoutent des manquements graves, tels que l’absence d’affichage clair des services proposés, un stockage inapproprié de produits de nettoyage et d’aliments, et des poubelles mal placées dans l’espace de préparation des jus.
Le plus surprenant reste le silence des autorités locales depuis plus de 30 mois, période durant laquelle cet hôtel a fonctionné sans la moindre autorisation, écrit Al Akhbar. Des élus locaux, soupçonnés d’être liés à ce détournement, se vantent même de bénéficier d’une protection au plus haut niveau. Pire encore, le propriétaire aurait menacé le gouverneur de réclamer un dédommagement de 5 millions de dirhams si l’établissement venait à être fermé.
Ces révélations interviennent alors que la Brigade nationale de la police judiciaire a achevé ses investigations sur les graves irrégularités financières et administratives entourant le détournement de ce projet social. Le procureur général du Roi, près la Cour d’appel de Rabat, devrait se prononcer prochainement sur d’éventuelles poursuites.
Parallèlement, le procureur général près la Cour des comptes a saisi le parquet sur la base du rapport détaillé du Conseil régional des comptes, document qui cite explicitement les noms de responsables et d’élus accusés d’abus de pouvoir et de détournement de fonds publics.
Pour rappel, le centre avait été réalisé par le conseil provincial de Sidi Kacem dans le cadre d’une convention signée en décembre 2016 avec plusieurs autorités: le wali de la région Rabat-Salé-Kénitra, le gouverneur de Sidi Kacem, le président du conseil régional et les représentants du ministère de la Solidarité.
Mais, selon les conclusions du rapport, le permis de construire, délivré en mai 2023 par le président de la commune de Sidi Kacem, l’a été en violation de la procédure. L’Agence urbaine n’a jamais donné son accord et la commission d’étude avait émis plusieurs réserves.
Le conseil régional des comptes rappelle que l’avis conforme de l’Agence urbaine est obligatoire, conformément à la loi organique 113-14 relative aux collectivités territoriales et au dahir instituant les agences urbaines, rappelle Al Akhbar. Pire encore, le rapport dénonce une manœuvre pour régulariser a posteriori des constructions illégales par le biais de ce permis, sans respecter la procédure spécifique de régularisation prévue par la législation.
Le président du conseil communal est accusé d’avoir manipulé des documents officiels, et falsifié des mentions pour couvrir des irrégularités manifestes. À Sidi Kacem, l’opinion publique réclame désormais des explications claires.
Comment un centre d’accueil censé servir l’intérêt général a-t-il pu être transformé en un établissement privé, au mépris des lois et sous la protection d’élus? Et, surtout, quelles sanctions seront prises, pour mettre fin à ce qui s’apparente à un détournement, organisé, de fonds publics?








