C’est important, d’avoir de la mémoire. Il faut certes pardonner les offenses, comme nous y invite le Christ, plus connu sous nos latitudes sous le nom de Sidna ‘Issa, mais cela ne signifie pas qu’il faille les oublier. Ceux qui oublient leur Histoire sont condamnés à la revivre.
Je me faisais l’autre jour ces réflexions (pas trop fatigantes) en traversant la ville de Béziers, dans l’Hérault, en route vers Perpignan où me convoquait mon destin.
Et en roulant dans Béziers endormie – c’étant un dimanche matin – je me pris à penser, bien involontairement, à son maire actuel, l’inénarrable Robert Ménard.
Ai-je dit « inénarrable » ? Je retire le mot. Rien n’est plus facilement narrable que ce monsieur, en fait, qui se répand volontiers dans la presse avec la volubilité qu’on prête avec raison aux Méridionaux. Et il dit quoi, lui ? Des choses pas très ragoûtantes, ma pauv’ dame. Qu’il faut fermer les restos à kabab, qui viennent d’ailleurs, du vil étranger – mais il n’a rien, curieusement, contre les mangeoires sino-vietnamiennes. Il dit quoi d’autre, Ménard ? Qu’il y a trop de prénoms étrangers dans les écoles biterroises ; que les réfugiés syriens ne sont pas les bienvenus dans sa ville ; qu’il a équipé la police municipale en armes de poing : tremblez, délinquants étrangers voleurs de poules !
Qui a crié «facho!» ? Ami lecteur, amie lectrice, garde tes lazzis pour toi-même si je ne suis pas loin d’être d’accord.
Maintenant vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai commencé ce petit billet par un éloge de la mémoire. Eh bien, voici pourquoi : je n’ai pas oublié, moi, l’air arrogant, pour ne pas dire méprisant, qu’arborait ce même Robert Ménard quand il débarquait au Maroc, il y a plus d’une décennie, pour venir nous donner des cours de… démocratie ! Costumé en donneur de leçons, l’index dressé, il arrivait, le Droopy du Languedoc, pour nous traiter de nuls et de médiocres dans notre cheminement, certes malaisé, vers une société plus ouverte et plus moderne.
Il y a quelques semaines, je déplorais dans ces colonnes que notre pays fut constamment soumis à l’attention intéressée de néo-orientalistes qui ont oublié de lire Edward Said ou de maîtres-chanteurs qui n’ont jamais rien lu du tout. Il faut ajouter à ceux-là, vu l’évolution de Ménard, les proto-fascistes dont la nature n’apparaît que quelques années plus tard.
Ah là là… On n’est pas aidés, ma pauv’ dame, on n’est pas aidés…