Le visiteur qui découvre aujourd’hui ce site naturel, autrefois prisé pour sa fraîcheur et son calme, est frappé par un paysage radicalement transformé. L’eau qui s’écoulait entre les rochers de la fameuse source Aïn Soltane, et animait tout le parc d’un souffle vivifiant, a disparu. À sa place: un bassin sec, des berges ternes et une ambiance morne qui contraste violemment avec l’image idyllique ancrée dans les souvenirs des anciens visiteurs.
À quelques mètres de là, Mahjouba, une habitante de la région, continue à préparer des tajines en plein air avec sa famille. Elle garde l’espoir d’attirer quelques rares touristes, comme au bon vieux temps. Mais le cœur n’y est plus. «Ils ont installé des forages à la tête de la source et tout a disparu. Avant, c’était la fête ici, impossible de trouver une place. Les gens se baignaient, c’était vivant. Aujourd’hui, les gens viennent, voient qu’il n’y a pas d’eau…et repartent», déplore-t-elle.
Autrefois, les barques de location flottaient à la surface du petit lac, prêtes à accueillir promeneurs et familles. Aujourd’hui, elles sont abandonnées sur les berges, rouillées, témoins muets d’un temps révolu.
Mohamed, un autre habitant, abonde dans le même sens: «La source est sèche. Sans eau, plus personne ne s’attarde. L’eau attirait les gens, ils venaient s’installer, se détendre, profiter… Maintenant, il n’y a plus rien. Plus de visiteurs, plus d’ambiance.»
Idriss, venu de la région de Taounate, exprime sa désillusion avec amertume: «Je venais souvent ici pour la beauté du lieu et son atmosphère paisible. Mais aujourd’hui, avec la sécheresse, c’est un autre décor. Il n’y a même plus de bancs, les chaises sont cassées, tout est laissé à l’abandon. Franchement, s’il n’y avait pas l’hospitalité des habitants, on ne ressentirait plus aucune chaleur humaine dans ce lieu autrefois vibrant. Je suis accompagné d’un ami étranger mais il n’y a rien ici qui donne envie de rester.»
Lire aussi : Désintox. Non-conformité de l’eau naturelle Aïn Atlas: le démenti du ministère de la Santé
L’ami en question, un touriste émirati venu spécialement pour découvrir les sources naturelles de la région, a ressenti la même déception. «On m’avait parlé de Daït Aoua, de Aïn Chifa, de Aïn Soltane… Mais elles sont toutes assechées. Je ne comprends pas comment un site touristique peut être aussi délaissé. Pas d’eau, pas d’équipements, pas de lieux de repos. C’est presque désert.» Il espère que les autorités compétentes vont prendre l’initiative de revitaliser cet espace naturel.
Adil, venu de Meknès, retrouve la région après une longue absence. La nostalgie laisse rapidement place à la consternation. «C’était un lieu emblématique pour nous. Un vrai poumon vert. Mais aujourd’hui, le paysage est en ruine. Certes, la sécheresse est naturelle, mais l’abandon du site ne l’est pas. Les autorités locales n’ont même pas fait l’entretien minimum: des sanitaires en état, des jeux pour les enfants, un site propre. On peut très bien revitaliser le lieu sans eau, avec un peu de volonté.»
D’autres causes?
Selon plusieurs observateurs locaux, la disparition de la source n’est pas uniquement due aux aléas climatiques. Le creusement anarchique de puits profonds par de grands agriculteurs de la région, équipés de pompes puissantes, a fortement contribué à l’épuisement des ressources hydriques et forestières. Une pression accentuée par le changement climatique et la raréfaction des précipitations.
Des acteurs associatifs et des militants écologistes tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. Ils appellent à une mobilisation urgente pour préserver ce qui reste de ce site emblématique. Car au-delà de la perte environementale, c’est aussi l’économie locale qui est menacée. De nombreuses familles vivaient de l’afflux saisonnier de touristes. L’effondrement de cette activité représente un coup dur pour toute une communauté.
Un plan d’urgence environnemental, conjugué à des actions concrètes de réhabilitation, est désormais indispensable pour redonner vie à Aïn Soltane et permettre à Imouzzer Kandar de retrouver sa place parmi les destinations de montagne les plus charmantes du Royaume.








