D’abord une injustice et un scandale, effet collatéral de la guerre à Gaza: le prix LiBeraturpreis de la Foire du livre de Francfort 2023, une distinction importante, devant être décerné à l’écrivaine palestinienne Adania Shibli, a été purement et simplement annulé. Plus de prix.
Les organisateurs ont justifié ce retournement par le fait qu’il fallait «mettre la lumière sur les événements en Israël et à Gaza»! Drôle de réaction. Comme si la littérature devait être pénalisée selon l’origine de l’auteur ou la situation du moment. Cette décision est tout à fait inacceptable, simplement «dégueulasse».
Difficile d’être palestinien par ces temps de guerre et de destructions massives.
C’est de la folie qui s’ajoute aux crimes de l’armée israélienne à Gaza, bombardant les civils en prétendant chasser les militants du Hamas. Le Hamas est devenu son obsession et rend aveugles les généraux qui établissent leur vengeance.
Le Hamas ne représente pas tous les Palestiniens, et on sait qu’il est aux ordres d’un pays étranger, l’Iran, comme son homologue au Liban, le Hezbollah. Les populations bombardées sont nues. Elles n’ont pas d’armes. Ce sont des familles que les bombes détruisent.
Le nombre des victimes palestiniennes ne cesse de grossir; et l’armée israélienne se prépare à une guerre longue et cruelle contre les Palestiniens où ils se trouvent.
Parmi ces morts, il y a des poètes, des écrivains, des journalistes.
La poésie n’a jamais protégé des balles. Les bombes lancées par Tsahal ne font pas la différence entre les poètes et les autres, entre les femmes et les enfants, entre les civils et les militants. Les bombes doivent tout détruire. Tel est le programme de Netanyahu.
C’est le journaliste Jean-Paul Marie qui a alerté l’opinion française en publiant un article dans le journal de Laurent Joffrin, sur des poètes morts sous les bombes israéliennes.
Hiba Abu Nada, 32 ans, est morte la semaine dernière. Elle était née à La Mecque et avait décidé de rejoindre la Palestine, le pays de ses parents, pour faire des études en biochimie à l’Université Al Azhar de Gaza.
Son roman, «L’oxygène n’est pas pour les morts», avait reçu le Prix Sharja.
Le 8 octobre dernier, elle décrivait sur X: «La nuit de la ville est sombre sauf pour la lueur des missiles, silencieuse sauf pour le bruit des bombardements, effrayante sauf pour le réconfort de la supplication, noire sauf pour la lumière des martyrs. Bonne nuit, Gaza».
Talal Abu Shawish, vivait et écrivait au camp de Nusayrat, à Gaza. Poète, il est mort sous les bombes israéliennes.
Rushdi Sarrage, 31 ans, est un journaliste qui aidait les reporters de Radio France. Le 22 octobre, une bombe israélienne l’a tué. Il avait écrit, juste avant, cette phrase: «Nous ne partirons pas. Et nous ne sortirons de Gaza que pour aller au ciel, et seulement au ciel».
Ce sont-là quelques écrivains morts sans avoir combattu par les armes.
Rappelons que Gaza est un territoire de 360 km2 où vivent (plutôt survivent) 2,3 millions d’habitants. La densité est de 4.000 personnes par kilomètre carré.
Ils sont depuis le 7 octobre privés d’électricité, d’eau potable, de nourriture, de médicaments, etc.
Soixante-cinq intellectuels israéliens, dont l’écrivain David Grossman (il avait perdu son fils dans la dernière guerre contre le Liban), la sociologue Eva Illouz et le philosophe Raphaël Zagury-Orly ont adressé «un appel à la gauche mondiale» pour qu’Israël arrête de bombarder les populations civiles à Gaza.
Pas d’échos. Pas de réponse. Seules les armes ont la parole, de jour et de nuit.
Et cette guerre ne fait que commencer.
Contrairement à ce que je pensais au lendemain du 7 octobre, «la cause palestinienne n’est pas morte». Au contraire, on le voit tous les jours. Elle a été réanimée et est revenue sur la scène internationale. Les grandes et impressionnantes manifestations populaires dans la plupart des capitales du monde prouvent que cette cause est vivante et que le peuple palestinien est là, avec ses souffrances et ses deuils, avec un chagrin immense, il attend que justice lui soit rendue.
Malheureusement, Israël n’a jamais respecté aucune des résolutions des Nations unies. Quant au Conseil de sécurité, il y aura toujours le véto américain. Ainsi, Israël a les mains libres pour liquider le maximum de Palestiniens, et aucune conscience mondiale ne peut l’arrêter.