Et si on cherchait à définir le profil psychologique de Nasser Zefzafi à travers ses discours. De parfait inconnu, Nasser Zefzafi est sorti de l’anonymat à l’occasion des manifestations qui ont fait suite à la mort du marchand de poisson Mohcine Fikri, broyé accidentellement dans une benne à ordure. A l’époque, Zefzafi cherchait à s’exprimer dans les médias. Il s’était autoproclamé porte-parole des mécontents et des contestataires. Une équipe de le360 l’avait interviewé et même s’il n’avait pas l’assurance qu’il prendra par la suite, on trouve déjà dans cet entretien les jalons d’une tendance à évincer les autres pour s’exprimer seul au nom des revendications de la population rifaine.
Peu à peu, Nasser Zefzafi va s’instituer en unique leader des manifestations à Al Hoceima. Les principaux traits de personnalité relevés chez l’intéressé renvoient l’image d’un individu, certes spontané, et adoptant une démarche touchant facilement l’auditoire, mais usant d’un discours mêlant populisme, victimisation (prétendue persécution, humiliation et rejet social dont pâtissent les Rifains), violence verbale et gestuelle provocatrice, tout en recourant de plus en plus à des références religieuses pour crédibiliser ses litanies.
Présentant une tendance manifestement paranoïaque, le rendant facilement perméable aux élans extrémistes, Nasser Zefzafi développe une série d’attitudes divergentes, dans la mesure où il est enclin à une rigidité ne laissant aucune place à l’autocritique et fait montre d’une grande susceptibilité (ne tolérant guère les remarques et critiques) ainsi que d’une propension belliqueuse par rapport à ses contradicteurs, pouvant même nuire gravement à ceux qu’il considère comme ses rivaux et ses ennemis. En atteste son rejet violent d’Al Mourtada Aâmracha, un activiste rifain et ancien salafiste, à qui Zefzafi a refusé catégoriquement voix au chapitre. Sur l’estrade, il doit être seul à parler à la foule. Pensant s’être érigé en leader des Rifains, il ne veut partager avec personne.
Son égocentrisme excessif (hypertrophie du moi) l’empêche d’adhérer à la réalité et le pousse à persister dans sa véhémence démesurée à l’endroit de l’Etat, pris pour «ennemi juré». Nasser Zefzafi n’a pas d’objectif. Il est emporté par une ivresse du moi haranguant les foules et il veut à tout prix pérenniser cette situation. Dans ses derniers discours, il s’ingénie à conforter sa posture de meneur d’hommes, en cherchant à auréoler sa célébrité par des références à Abdelkrim El Khattabi, Nelson Mandela et Karl Marx. Il cite pêle-mêle des personnalités pour s’ériger à leur niveau. Peu importe que ces personnalités appartiennent à ses sphères différentes ou défendent des idéologies diamétralement opposées, ce qui compte pour Zefzafi, c’est leur célébrité qu’il veut faire sienne.
Bien qu’il affiche une certaine assurance et un semblant de rationalité parfois dans ses propos et prises de position, Nasser Zefzafi reste sous l’emprise de pulsions agressives importantes, en utilisant des mécanismes de défense de type «projection prédominante» (attribuant la faute à autrui) et en tentant de pérenniser son «délire de persécution», qui constitue un symptôme majeur de la paranoïa. Le délire paranoïaque de Zefzafi l’a poussé à dire, sans sourciller devant des milliers de personnes, qu’une prétendue rivalité entre Mounir El Majidi et Fouad Ali El Himma serait à l’origine des manifestations dans le Rif.
La dernière sortie ce vendredi de Nasser Zefzafi dans la mosquée Mohammed V, quand il a arraché le micro à l’imam et s’est mis à prêcher à sa place, tout en le couvrant d’invectives, laisse transparaître une tendance à l’agressivité et à la nervosité. Zefzafi ne souffre aucun contradicteur parmi les fidèles, venus ce jour-là pour prier. A peine l’un d’eux tente-t-il de s’opposer à ses «arguments » que Zefzafi le traite de tous les noms. La gravité de son acte perpétré ce vendredi est passible de sanctions prévues par la loi. Nasser Zefzafi est peut-être hors-la-loi, mais il ne peut pas devenir un sujet au-dessus de la loi.