Alors que le débat sur la démocratie interne hante encore les rangs de la gauche marocaine, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) semble s’engager, une nouvelle fois, sur la pente glissante de l’adaptation des statuts sur mesure.
L’objectif, écrivent les quotidiens Al Ahdath Al Maghribia et Al Akhbar dans leurs éditions respectives du lundi 28 juillet, est de prolonger l’ère Driss Lachgar à la tête du parti, malgré des voix discordantes et un bilan catastrophique. «À l’instar de certains partis politiques marocains adeptes du recyclage de leurs élites, l’USFP s’apprête à franchir un pas supplémentaire vers la concentration du pouvoir entre les mains de son premier secrétaire, Driss Lachgar. Samedi dernier à Rabat, la commission préparatoire du 12ᵉ congrès national du parti a validé une proposition visant à modifier les statuts afin d’ouvrir la voie à un quatrième mandat consécutif pour Lachgar, déjà aux commandes depuis 2012», indique Al Ahdath Al Maghribia.
Le projet de révision, exposé lors d’une réunion de la commission des lois et règlements, prévoit, explicitement, de contourner la limite fixée, jusque-là, à trois mandats.
En invoquant la «sauvegarde de l’intérêt supérieur du parti», l’USFP tente ainsi de justifier une prorogation de leadership, dont la légitimité suscite, pourtant, bien des réserves.
L’article 217, nouvellement amendé, stipulerait, désormais, qu’en cas de nécessité, le congrès national pourrait prolonger la mission du premier secrétaire, au-delà de la durée maximale, prévue dans les termes des articles 9 et 64 de la loi fondamentale du Royaume.
Ce scénario n’est pas une première pour l’USFP, rappelle pour sa part Al Akhbar.
En 2022, en effet, lors de son 11ᵉ congrès, le parti avait déjà révisé ses statuts pour autoriser un troisième mandat à Lachgar, rompant ainsi avec la règle traditionnelle de la double alternance interne.
Les partisans du premier secrétaire avancent que la continuité serait une garantie de stabilité et de cohésion, notamment à l’approche des élections législatives, prévues pour l’été 2026. Mais cette justification peine à masquer un malaise plus profond: l’USFP, qui a, longtemps, été le porte-drapeau d’une gauche progressiste marocaine, semble aujourd’hui enlisée dans une logique de personnalisation du pouvoir, quitte à sacrifier la crédibilité de ses principes fondateurs.
Cruelle ironie du destin, Driss Lachgar s’est montré, publiquement, opposé à un amendement explicitement calibré pour prolonger son propre mandat. Lors de la commission préparatoire, il a rappelé qu’un texte de loi interne devait, selon lui, s’appliquer à tous les dirigeants exécutifs du parti, des cadres locaux aux responsables des instances féminines et de la jeunesse.
Il a, aussi, plaidé pour que toute exception soit validée à une majorité qualifiée des deux tiers, pour éviter toute règle «taillée sur mesure».
Une posture prudente qui n’a pas suffi à dissiper des soupçons sur ses réelles intentions: même en se disant favorable à un encadrement plus global de la question des mandats, Lachgar laisse la porte ouverte à une reconduction «par la base», si le congrès venait à la réclamer.
Pour de nombreux militants socialistes désabusés, cette énième révision de la charte interne illustre surtout le déclin de la démocratie, au sein du parti. La question de l’alternance, pourtant cardinale pour cette formation qui se revendique d’obédience progressiste, devient une variable d’ajustement, au gré des intérêts de son leader.
Il reste à savoir si le prochain congrès, censé trancher incessamment sous peu, saura résister à la tentation du «Chef à Vie», ou si l’USFP s’apprête à signer définitivement son divorce, entre ses valeurs historiques et sa pratique politique actuelle.
Une affaire à suivre de très près, dans un paysage partisan marocain où la reproduction des mêmes visages à son sommet n’est visiblement pas près de disparaître.







