Définitivement larguée par les prouesses diplomatiques marocaines et l’infatigable action du Royaume au sein de l’Union africaine (UA), la junte au pouvoir en Algérie n’a désormais plus que ses vieux réflexes d’expression de rage comme recours. La diplomatie algérienne en a apporté une nouvelle preuve, le dimanche 16 avril 2023, dans un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères où il n’est question que d’attaques et autres insultes, non seulement contre le Maroc, mais aussi contre l’UA, instance où Alger soufflait le chaud et le froid avant que le Royaume ne siffle la fin de la partie en réintégrant l’instance africaine en 2017.
Cette fois, c’est au tour du président de la Commission de l’UA Moussa Faki Mahamat de subir les salves vénéneuses du voisin de l’est. Son seul tort: avoir reçu, jeudi 13 avril au siège de l’UA à Addis-Abeba, la Marocaine Amina Selmane, venue lui présenter ses lettres de créance en tant que représentante permanente de l’Union du Maghreb arabe (UMA) auprès de l’organisation panafricaine.
La nomination de cette ex-consule du Maroc à Vérone, en Italie, et directrice des affaires économiques de l’UMA, intervient «dans un contexte où les Communautés économiques régionales (CER) sont considérées par l’Union Africaine comme ses piliers essentiels dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, notamment en matière de développement économique et d’intégration», expliquait le secrétariat général de l’UMA dans le communiqué annonçant la prise de fonctions de la Marocaine au sein de l’UA.
Quand la nationalité devient un crime
Mal en a décidément pris, tant au secrétaire général de l’UMA, le Tunisien Taïeb Baccouche, qu’à Moussa Faki Mahamat. Dans le communiqué dont les Affaires étrangères algériennes se sont fendues, ce dernier est qualifié, rien de moins, d’«irresponsable», son attitude d’«inadmissible». La nationalité d’Amina Selmane devenant ainsi un crime impardonnable. Mais là où la diplomatie du pays voisin se trompe lourdement, c’est en cristallisant toute sa haine autour de la nationalité marocaine d’Amina Selmane. Or, nous explique une source informée, cette dernière est d’abord une directrice chargée de la coopération économique à l’UMA. «C’est un membre de l’équipe des responsables de l’UMA qui a été accrédité à l’UA. L’UMA se compose des nationalités des cinq États membres. Une fois que les personnels de ces États membres rejoignent le staff de l’UMA, leur nationalité est subordonnée à l’appartenance à l’organisme. C’est donc en tant que cadre de l’UMA que Mme Selmane a été accréditée à l’UA. Nommer sa nationalité est une faute que seul un régime à la dérive peut faire», nous explique-t-elle.
Pire, Alger n’hésite pas à faire mentir les statuts de l’UMA comme ceux de l’UA pour s’attaquer à une désignation on ne peut plus ordinaire. Pour Alger, le secrétaire général de l’UMA, le Tunisien Taïeb Baccouche, n’a pas autorité à procéder à une telle nomination, son mandat ayant pris fin le 1er août 2022. Rien n’est moins vrai. Pour précision, le mandat du secrétaire général de l’UMA dure trois ans, renouvelable une fois. Le deuxième mandat de Taïeb Baccouche a effectivement expiré en août 2022. Mais ce que le régime algérien ne dit pas, c’est que Taïeb Baccouche a convoqué une réunion ministérielle, avec à l’ordre du jour la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’UMA. La réunion ne s’est pas tenue. Selon les règles et procédures de l’UMA, le secrétaire général sortant est reconduit tacitement pour une année renouvelable tant que son successeur n’est pas nommé. Le régime algérien accepte cette règle, comme en attestent, d’après nos recherches, les correspondances adressées, après août 2022, par le gouvernement algérien à Taïeb Baccouche en sa qualité de secrétaire général de l’UMA. Parmi ces correspondances postérieures au 1er août 2022, on dénombre même des lettres du président Abdelmadjid Tebboune à Taïeb Baccouche, secrétaire général de l’UMA.
Un argumentaire hors-sol, une réponse hors délai
Inconsolable, Alger se plaint dans son réquisitoire de ne pas avoir été consulté avant la nomination d’Amina Selmane et décrète qu’une telle démarche aurait supposé que les cinq pays membres donnent unanimement leur aval avant sa désignation. La junte feint d’ignorer que l’information relative à l’ouverture du bureau de l’UMA à l’UA a été communiquée aux cinq États membres le 7 mars 2023. «Selon les statuts de l’UMA, il existe un délai réglementaire de 10 jours pour formuler une objection ou demander le report d’une décision. Si aucun des cinq États membres ne réagit dans ce délai réglementaire, la décision devient applicable», nous précise notre source. Et justement, le régime d’Alger n’a pas réagi durant ce délai réglementaire, ce qui équivaut à un accord tacite. Les réserves formulées par le régime algérien sont par conséquent nulles et irrecevables.
La dure cruauté des faits n’empêche pas la junte de persévérer dans sa diatribe, qualifiant l’opération de «grossière mise en scène protocolaire» par un président de la Commission de l’UA et de «manipulation malsaine», ne servant aucunement les intérêts de l’UMA et de l’UA. Tout en menaçant de représailles, l’Algérie affirme son attachement «indéfectible» à ces deux organisations. Cela fait pourtant deux ans que ce pays n’a pas contribué au budget de l’UMA, à l’opposé des quatre autres États membres qui ont toujours payé leurs contributions. En plus, l’Algérie a retiré son staff de l’UMA, à l’exception d’une seule personne, apprend Le360 de sources bien informées. Si l’Algérie est attachée à l’UMA comme elle le claironne dans son communiqué, elle doit d’abord honorer ses obligations statutaires, au premier rang desquelles se trouve la contribution financière.
Un attachement de surface
Il y a mieux. Quand le régime d’Alger affirme qu’il est attaché à l’UMA, pourquoi attaque-t-il Moussa Faki Mahamat et ne va pas régler le problème dans l’institution dont il se proclame? «Faki n’est pas responsable de l’UMA ni des décisions qui s’y prennent. Faki ne va non plus régler les problèmes de l’UMA. Il n’est pas responsable des décisions des CER (Communautés économiques régionales, NDLR). À ce sujet, il convient de rappeler qu’il existe huit Communautés économiques régionales en Afrique, dont l’UMA, qui est la seule CER à ne pas disposer d’un bureau auprès de l’UA», rappelle ce fin connaisseur des rouages des instances africaines.
Face à la frénésie, il y a tout simplement la légalité de la démarche. La nomination d’Amina Sélmane en tant que représentante de l’UMA auprès de l’UA ne souffre aucune irrégularité et a été actée dans le respect le plus absolu des règles et procédures administratives de l’UMA et des prérogatives de son secrétaire général. Alger a beau s’agiter, l’audience accordée à la diplomate marocaine vaut acceptation de sa qualité de représentante de l’UMA.
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Moussa Faki Mahamat, cible privilégiée de la junte
Moussa Faki Mahamat, lui, est un habitué des attaques algériennes. On s’en souvient: en août 2021, il a dû croiser le fer avec la junte qui s’était mobilisée pour l’exclusion d’Israël en tant que membre observateur de l’UA. Initialement, la rumeur, relayée largement par la presse acquise à Alger, faisait état de 12 pays, en plus du Polisario, qui s’étaient joints à l’Algérie pour exiger que la décision, dont le même Moussa Faki Mahamat a été accusé d’être l’artisan, soit annulée. Finalement, ce ne sont que 6 pays qui se sont ralliés à la «cause» algérienne. En vain.
En novembre 2020, c’est à une véritable tentative de manipulation algérienne que le président de la Commission de l’UA a eu à faire face. Smaïl Chergui, alors commissaire Paix et sécurité de l’UA, avait dans un projet de rapport, en guise de préparation du Sommet extraordinaire de l’organisation sous la thématique «Faire taire les armes», désespérément tenté d’introduire des passages hostiles au Maroc. Il avait été sèchement remis à sa place par Moussa Faki Mahamat, qui a dégainé un stylo rouge pour réviser le rapport final. Autant dire que le président de la Commission de l’UA est habitué aux coups tordus de la junte algérienne.
Dans sa dernière manœuvre, comme dans toutes celles qui l’ont précédée, Alger a raté sa cible et, au passage, l’intégralité de ses arguments, couvrant de ridicule un réquisitoire aussi chargé politiquement que vide juridiquement. La junte algérienne, qui ignore et méprise les règles et procédures en vigueur dans les institutions, s’oppose à toute décision qui ne répond pas à son agenda et ses visées politiques. C’est le propre de l’approche d’un État voyou. Et une chose est sûre: les réactions hâtives, intempestives et les gesticulations vides de sens ont (vraiment) fait leur temps.