La pilule était d’autant plus amère à avaler qu’Alger a mis longtemps pour réagir. Elle a attendu dix jours pour livrer sa réaction officielle au rapport du Département d’Etat sur les droits de l’Homme, rendu public en ce mémorable 25 juin 2015. Et le moins que l’on puisse dire est que cette réaction sent le remugle tellement elle emprunte au vieux lexique victimaire, au lieu de la confrontation d’idées et d’arguments.
«Rapport US sur les droits de l’Homme : stéréotypes, appréciations partiales et conclusions simplistes ». Tel est le titre ronflant de la réaction d’Alger au rapport américain, relayé, à grand renfort d'approximations verbeuses, par la très officielle agence de presse algérienne (APS).
«Le document intitulé Rapport sur la situation des droits de l’Homme dans le monde en 2014 que le Département d’Etat américain vient de diffuser ne fait que prolonger, voire même accentuer, en ce qui concerne l’Algérie une inclination bureaucratique portée sur la reproduction mécanique de stéréotypes ainsi que de références désuètes, d’appréciations partiales et de conclusions», croit savoir le ministère algérien des Affaires étrangères, dans un communiqué diffusé lundi 6 juillet.
Admirez en passant, cette redondance dans l’expression «voire même» mentionnée par la Banque du dépannage linguistique (!) comme étant des fautes à ne surtout pas commettre puisque l’adverbe «voire» veut dire la même chose que «même» !
Mais ne nous attardons pas sur la forme, l'enjeu étant ailleurs. Or, ne voilà-t-il pas que cet "enjeu" est aussi fumeux que la forme dans laquelle il est moulé. «Le document que le Département d’Etat américain vient de diffuser ne fait que prolonger, voire (même accentuer !), en ce qui concerne l’Algérie une inclination bureaucratique portée sur la reproduction mécanique de stéréotypes ainsi que de références désuètes, d’appréciations partiales et de conclusions», (dé)crypte le département de Ramtane Lamamra, sans prendre la peine de nous expliquer comment et pourquoi.
Réponse évasive et alambiquée donc à un document américain qui ne fait, pour rester dans le lexique du département Lamamra, que «reproduire» des faits avérés et qui ne sont un secret pour personne : Violences policières, impunité des forces de l’ordre, arrestation et détention arbitraire (chômeurs de Laghouat), usage de la torture, fraude lors de la dernière présidentielle en se référant aux propos du candidat Benflis sont autant de griefs retenus par le département d’État dans son rapport contre l’Algérie …
Voilà quelques griefs portés par le Département d’Etat US, dans son rapport annuel que d’aucuns, y compris et surtout en Algérie, trouveraient même complaisant ! Il n’est donc qu’à se référer au crime génocidaire auquel la communauté Mozabite (rite Ibadite) est livrée en pature dans la wilaya de Ghardaya, 180 kilomètres au sud d’Algérie, pour se rendre compte du jeu de massacre que les autorités algériennes continuent de pratiquer impunément et au mépris de toutes les conventions internationales.
Mais en véritable champion de l’esquive, de la fuite en avant, le régime militaro-policier d’Abdelaziz Bouteflika n'en fait qu'à sa tête et se hasarde à des apparentements le moins que l'on puisse dire croquignolesques : «L’esprit négatif de critique qui ôte toute crédibilité à la quasi-totalité de la teneur de ce rapport en ce qui concerne l’Algérie contraste si manifestement avec l’équilibrisme qui caractérise les parties relatives à la Palestine et au Sahara occidental, alors que s’agissant de deux situations d’occupation illégale et de violation du droit fondamental des deux peuples à l’autodétermination, les responsabilités d’Etat membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies auraient dû se traduire par un engagement ferme et actif en faveur d’une protection et d’une promotion plus effectives des droits de l’Homme au bénéfice des deux peuples».
Voilà, vous avez bien lu : «La Palestine» et le «Sahara occidental». Et puisqu’on vous disait qu’ils étaient devenus fous, ces dirigeants algériens… Au secours !