Peut-on croire, en ce début du troisième millénaire, que des aventuriers nourris à la dialectique marxiste puissent en venir à sacrifier leur esprit critique pour compter sur les prétendus pouvoirs d’un faiseur d’amulettes mandaté par le «monde invisible»? Et pourtant, c'est ce qui semble être arrivé aux dirigeants du fantomatique front Polisario, rapporte le journal Al Ahdath Almaghribia dans son édition de ce mardi 10 octobre.
Selon des sources proches de ce qui reste du cercle des dirigeants du front séparatiste, poursuit le journal, le gourou attitré de ces notables en rupture avec la réalité serait d’origine malienne. Il s’appelle Mohamed El Abd, et est surnommé «l’Ancien» ou encore «Bouhsira», l’homme à la natte. Il aurait fait partie d’un corps expéditionnaire français venu en Mauritanie en 1956 pour mater l’Armée de libération nationale, dont les agissements agaçaient la puissance coloniale. Installé dans la ville mauritanienne de Afdrik, située dans le nord du pays, à 70 km au sud de Tagounite (à l’Est du mur de sécurité), le futur confesseur des «cadres» du Polisario s'est découvert des pouvoirs de divination et de guérison qui n'ont pas tardé à gagner la crédulité populaire.
La légende construite par les voix médiatiques proches du Polisario veut que l’homme aux pouvoirs occultes a combattu dans les rangs du mouvement séparatiste. Sans doute une manière de donner à son commerce ésotérique une dimension militante. Ce qui est sûr, c’est que dans sa résidence à Afdrik, il dispose d’un parking où l’on voit souvent des voitures dont l’origine ne fait aucun doute pour la population locale, qui voit défiler à longueur d’année des émissaires envoyés par des chefs aux commandes du mouvement. Ils viennent consulter le saint homme sur leur avenir, précise le journal, et demander une aide occulte pour concrétiser leurs chimères.
Ce qui est original dans cette révélation c’est que c’est un site proche du Polisario qui en donne la primeur, avec les résultats chiffrés d’une enquête à l’appui. Ainsi, on apprend que presque la totalité des cadres du Polisario, sans distinction de sexe (98% d’après l’enquête), a eu recours aux «lumières» du devin. Mais comme, dans ce type de pratiques, il faut bien un échange symbolique, le consultant doit obligatoirement offrir ce que les initiés ont coutume d’appeler «le ftouh de la main». Ainsi, nous explique le journal, quand un dirigeant du Polisario a eu sa dose d’illusions, il rétribue grassement «l’intermédiaire des puissances occultes» avec l’argent des aides destinées aux séquestrés de Tindouf. Parfois, «le ftouh de la main» prend la forme de denrées alimentaires détournées, dont sont privés les destinataires légitimes et qui sont revendues dans les marchés locaux par le faiseur de miracles. Il vient de rejoindre le ciel, laissant ses disciples, anciens marxistes convertis au charlatanisme, dans le désarroi.