On aura rarement vu le Cabinet royal réagir aussi fermement sur des faits impliquant un parti ou un dirigeant politique marocain. Mais le message a au moins le mérite d’être clair et il vaut pour tous: la politique extérieure du Royaume relève des prérogatives du Souverain et ne peut donc se prêter à une quelconque récupération politicienne.
Dans son communiqué de ce lundi 13 mars, le Palais répond à un communiqué, daté du 4 mars, du secrétariat général du Parti justice et développement (PJD) dans lequel ce dernier se permet bien des écarts s’agissant en l’occurrence des relations du Maroc avec Israël et la position du Royaume sur la cause palestinienne. L’équivoque entretenue dans la déclaration du PJD est d’emblée levée dans le communiqué royal. La position de principe du Maroc en faveur de la question palestinienne est constante et inaliénable. Elle constitue une des priorités de l’action étrangère du Royaume, que le Souverain, Amir Al-Mouminine et président du Comité Al-Qods, place au même rang que l’intégrité territoriale. Et les faits sont là pour en témoigner.
Surfer là-dessus, en suggérant que le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël s’opère au détriment de cette cause juste, c’est céder à une tentation d’instrumentalisation et de surenchère sur un des sujets fondamentaux de politique étrangère. Une politique qui plus est –constitutionnellement– relève du domaine réservé du Souverain. Formation ancrée dans la scène politique nationale et ayant pendant des années mené la coalition gouvernementale, le PJD ne le sait que trop bien. Le précédent dont il s’est rendu coupable n’en est que plus fâcheux. Ses récentes gesticulations, confondant sciemment faits d’actualité, positions de principe et actions diplomatiques à la seule fin de servir une «thèse» idéologique laissent perplexe et interrogent sur les arrière-pensées qui en font le lit.
Des positions à géométrie variable
Dans les faits, il ne s’est rien produit de nouveau ou d’alarmant qui justifie une critique aussi infondée de la diplomatie marocaine, incarnée par le Roi. Irréfléchie dans son fond et évasive dans sa forme, la sortie médiatique en question met en avant des contextes disjoints et fait siens des raccourcis et éléments de langage véhiculés par les adversaires du Royaume. On retiendra à ce propos que le secrétariat général du parti de la Lampe cible précisément des prises de parole du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, au sein des instances de l’Union africaine, en feignant d’oublier que la diplomatie marocaine est en pleine bataille pour l’autonomisation et l’émancipation de cette organisation panafricaine des tutelles algérienne et sud-africaine. Au mieux, il s’agit là d’un manque flagrant de discernement. Au pire, le doute est permis quant à une tentative de torpiller les efforts de la diplomatie du pays même dont se revendique le PJD. Comment expliquer, sinon, le silence complice du même PJD quand son «modèle» turc décide de s’aligner sur Israël? Entre la surenchère commise par le PJD contre la diplomatie marocaine et sa torpeur quant aux revirements récents de la Turquie d’Erdogan et du «PJD turc», qui ont pleinement renoué leurs relations avec Israël, le contraste est abyssal. Errements d’un parti en perte de vitesse ou positions à géométrie variable dépendamment des situations? Passons.
Plus déplorable que le fond de cette affaire, un commentaire politique sur un dossier d’affaires étrangères étant somme toute admis, il y a la manière, résolument populiste. Le PJD aurait pu privilégier les canaux institutionnels et démocratiques, notamment le Parlement, pour s’exprimer, défendre son point de vue et interpeller le gouvernement. Et le ministère des Affaires étrangères n’a jamais manqué à son obligation de rendre compte de ses actions et éclairer les représentants de la nation. Là encore, le PJD le sait, mais il a décidé de faire autrement en choisissant «la voie publique».
Reconquête politicienne
Les dirigeants du parti au référentiel islamiste savent également que le rétablissement des relations entre le Maroc et Israël a été une décision d’État, intervenue dans un contexte spécifique pour le Maroc (en rapport avec la reconnaissance de la marocanité du Sahara par le président Trump). La reprise des relations avec l’État hébreu a, qui plus est, été précédée par des entretiens avec la partie palestinienne, une information des partis politiques et des forces vives du pays. Dans tout cela, le PJD était aux premières loges. En la personne du chef du gouvernement de l’époque et ancien secrétaire général du parti, Saâdeddine El Othmani, il est signataire de la déclaration tripartite de 2020 entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël. Même l’actuel secrétaire général du PJD a été tenu informé, et il avait exprimé sa pleine adhésion.
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Deux années après, au lieu d’assumer ses responsabilités, le PJD joue, au contraire, la carte de l’ambiguïté sur un sujet sensible dans lequel le Maroc a fait le choix de la clarté. Et c’est inadmissible. Le communiqué du Cabinet royal vient révéler toute l’étendue de ce qui s’apparente à de l’hypocrisie, obéissant à des agendas partisans ou de reconquête politicienne. La débâcle électorale du même PJD lors des élections législatives de septembre 2021 est passée par là.
Le message du Cabinet royal est sans équivoque: «Les relations internationales du Royaume ne peuvent être l’objet de chantage de la part de quiconque et pour quelque considération que ce soit.» Le précédent est «dangereux et inacceptable». Autrement dit, le PJD doit éviter de jouer avec des dossiers aussi engageants et sérieux que la diplomatie. La politique étrangère, particulièrement dans un contexte international aussi complexe et face à une hostilité hystérique du régime algérien, est un domaine, justement, sérieux, qui devrait être abordé avec rigueur, vigilance et le devoir de réserve qui s’impose. A bien lire le message du Cabinet royal, au-delà du dérapage qui l’a occasionné, tout le monde –classe politique ou autre– est invité à s’y conformer. Il y va de l’intérêt national, qui prime sur tout le reste.