En cherchant à immuniser, dans le projet de loi de finances 2020, les collectivités territoriales et l’administration publique de tout jugement financièrement contraignant, le gouvernement s’est trouvé confronté à de nombreuses critiques, suscitant indignation et polémique. D’un côté, l’article 9 du PLF 2020, qui a suscité toute cette polémique, serait anticonstitutionnel puisqu’il va à l’encontre de l’article 126 de la Constitution de 2011. D’un autre côté, cet article sape toute la crédibilité de l’institution chargée de l’exécution des jugements. De plus, il remet en cause le principe de l’indépendance de la justice, fait remarquer le quotidien Al Massae dans son édition de ce jeudi 24 octobre.
D’ailleurs, cet état de fait n’a pas laissé indifférent les magistrats qui sont montés au créneau pour faire entendre leurs voix pour défendre la justice et son indépendance. Evoquant l’article 126 de la Constitution qui stipule que «les jugements définitifs s'imposent à tous et que les autorités publiques doivent apporter l'assistance nécessaire lorsque celle-ci est requise pendant le procès, comme elles sont tenues de prêter leur assistance à l'exécution des jugements», les magistrats ont pointé du doigt la défaillance de l’article 9 du PLF 2020. De plus, précise Al Massae, cet article va à l’encontre des orientations royales qui soulignent l’égalité des citoyennes et des citoyens devant la justice. Le club des magistrats du Maroc, fait savoir le journal, appelle donc le gouvernement à revoir l’article en question, puisque son application remet en cause les acquis de la société en matière de droits constitutionnels et sape ses aspirations de bâtir un Etat de droit. De même, l’association des magistrats a appelé le gouvernement et l’administration publique à donner l’exemple en matière de respect des lois et de jugements rendus par la justice. Et de souligner que la sortie des magistrats s’inscrit dans le désir de préserver l’indépendance de la justice, de protéger les droits et les libertés des citoyennes et des citoyens et de respecter l’institution de l’exécution des jugements.
Cette colère des magistrats, des avocats et d’autres composantes de la société aurait été entendue par le gouvernement. Car, rapporte le quotidien Al Akhbar dans son édition du même jour, le gouvernement aurait manifesté sa volonté de réviser l’article objet de discorde. A ce propos, précisent les sources du quotidien, le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, a décidé de mettre en place une commission pour revoir la teneur de l’article 9 du PLF 2020. Cette commission, présidée par le ministre d’Etat Mustapha Ramid, chargé des droits de l’Homme et des relations avec le parlement, est composée du ministre de l’Economie, des finances et de la réforme administrative, Mohamed Benchaâboun, du ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader, du président délégué du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mustapha Farès, du président du tribunal administratif de Rabat et du président de la Cour d’appel de Rabat. Cette commission, révèlent les sources du quotidien, devait tenir sa première réunion mercredi, au siège de la primature, afin de trouver une formule de nature à réformer cet article 9 du PLF 2020. Cet article évoque «les créanciers porteurs de titres ou de jugements exécutoires à l’encontre de l’Etat…. Ces créanciers ne peuvent se pourvoir en paiement que devant les services ordonnateurs de l’administration publique concernée». Il fixe aussi un délai de soixante jours lorsqu’une décision de justice définitive passée en force de chose jugée condamne l’Etat au paiement d’une somme déterminée. L’article 9 affirme également que «les biens et les fonds de l’Etat ne peuvent, toutefois, faire l’objet de saisie à cette fin». La commission, précisent les sources du quotidien, devait valider un texte qui servira d’alternative pour retirer l’article 9 du PLF 2020.