Des sources bien informées révèlent que le chef du gouvernement et secrétaire général du PJD, Saâd-Eddine El Othmani, a rompu définitivement avec Abdelilah Benkirane. Il a ainsi cessé de contacter son prédécesseur pour lui demander son avis sur certaines affaires, comme il avait pris l’habitude de le faire. El Othmani s’est senti fortement humilié après la fameuse sortie de Benkirane qui a coupé le cordon de l’amitié entre les deux hommes.
Le quotidien Al Akhbar rapporte, dans son édition du mercredi 1er mai, que le chef de l’Exécutif a cessé d'assister, depuis quelque temps, à toute activité à laquelle participe son prédécesseur, afin d’éviter toute situation embarrassante, telle celle qui a eu lieu lors de la séance d’ouverture du dernier congrès du MUR, quand El Othmani a refusé de serrer la main à Benkirane. Il faut avouer que ce dernier a sorti l’artillerie lourde pour tirer à bout portant sur son successeur, après l’adoption de la loi-cadre sur l’enseignement par les groupes parlementaires. Il a même proféré des propos incendiaires à l’encontre de son «frère» en évoquant le déshonneur, la trahison et la collaboration avec le colonisateur. L’ex-patron du PJD ne décolère pas et appelle à l’insurrection: «J’appelle les parlementaires du PJD dans les deux Chambres et les militants à voter contre cette loi, quitte à faire tomber le gouvernement dirigé par Saâd-Eddine El Othmani». Et pour bien clarifier l’objet de sa sortie fracassante, il appelle tout bonnement El Othmani à «démissionner et à dissoudre le Parlement au lieu d’assumer le déshonneur de la francisation de l’enseignement après que les Istiqlaliens ont eu l’honneur de l’arabiser».
Il est clair que Benkirane n’arrive pas à digérer son limogeage et veut à tout prix demeurer le leader charismatique du PJD. Il est vrai aussi que Saâd-Eddine El Othmani, le psychiatre, n’a pas le même tempérament à la fois démagogue et je-m’en-foutiste de son prédécesseur. L’actuel chef du gouvernement préfère jouer la carte de l’apaisement et évite de débiter des propos guerriers. Mais il sait aussi décocher des flèches indirectes qui font mal: «Je travaille sous la responsabilité de Sa Majesté le roi. Je n’accepte pas que certains me dictent la manière dont je dois me comporter». Et d’ajouter: «Nous sommes conscients de la situation actuelle et nous comprenons les choses… Sa Majesté nous a toujours soutenus et je le dis du fond du cœur». Une petite pique qui va droit au cœur de Benkirane qui réitère toujours son attachement au roi Mohammed VI en répétant: «Je suis royaliste, plus royaliste que le roi». Un jeu d’équilibriste qui ne convainc plus personne depuis qu’il a appelé toutes les composantes du PJD à s’insurger contre des institutions comme le gouvernement et le Parlement.