Piscine couverte de Fès: une spoliation qui vire au scandale

Une piscine couverte.. DR

Revue de presseUne correspondance adressée au wali de Fès-Meknès et à la Cour régionale des comptes soulève de graves soupçons autour de la gestion d’un bassin couvert financé par l’INDH. Hakima Hathari, vice-maire de Fès, accuse le directeur général des services de la commune d’avoir permis l’exploitation du site sans visa légal, sans certificat de conformité et au profit d’intérêts privés, en contradiction totale avec les objectifs sociaux du projet. Elle demande désormais l’ouverture d’une enquête judiciaire. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 09/12/2025 à 18h27

Une correspondance adressée au wali de la région Fès-Meknès, Khalid Aït Taleb, ainsi qu’au président de la Cour régionale des comptes, signée par Hakima Hathari, vice-maire de Fès en charge des affaires culturelles, sportives et sociales, dénonce ce qu’elle qualifie d’«appropriation illégale» d’une piscine couverte financée dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Selon elle, cette prise de contrôle aurait été opérée par Mohamed Dahabi, directeur général des services de la commune et, par ailleurs, président de l’Association Moghreb de Fès pour la natation, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce mercredi 10 décembre.

La réponse de la vice-maire fait suite à une demande d’explications émise par le wali le 3 novembre dernier. Elle y affirme que le bassin couvert Al-Qarawiyyine, relevant de l’arrondissement Zouagha, aurait commencé à être exploité par l’association de Dahabi alors même que l’accord conclu entre la commune et ladite association n’est toujours pas entré en vigueur. Le texte de la convention stipule en effet que son application est subordonnée à sa validation par le président du conseil communal et à son visa par le wali, deux étapes qui n’ont pas encore eu lieu.

Le wali avait également attiré l’attention de ses interlocuteurs sur les obligations prévues à l’article 5 de cette convention, notamment la gratuité des formations en natation destinées aux enfants issus des quartiers ciblés par l’INDH, ainsi que l’accès gratuit pour les mineurs accueillis dans les institutions sociales. Or, la réalité observée sur le terrain est tout autre: le bassin serait actuellement exploité par un opérateur privé, lequel facture l’accès à des usagers ne faisant pas partie des publics censés bénéficier du projet. Une situation qui contrevient clairement aux objectifs sociaux et solidaires assignés au programme, écrit Al Akhbar.

La vice-maire confirme cette dérive. Elle souligne que l’équipement ne dispose même pas encore de certificat de conformité et que l’association dirigée par Dahabi prélève des sommes auprès des usagers tout en permettant à des acteurs privés de tirer profit du bassin, en contradiction totale avec les finalités du projet. Selon elle, l’ouverture du bassin, le 31 juillet 2025, a immédiatement suscité une polémique et des interrogations, aussi bien au sein de la commune qu’à l’extérieur, notamment en raison du favoritisme apparent dont aurait bénéficié l’association présidée par le directeur général des services. Plusieurs élus dénoncent l’absence de mise en concurrence et le non-respect des principes de bonne gouvernance dans la gestion des équipements publics.

Des sources du conseil communal, citées par Al Akhbar évoquent même de graves irrégularités, allant jusqu’à la dissimulation de documents au profit de certains responsables de la commune et de la wilaya. Parmi les pièces introuvables, figure l’original de la convention ayant permis la mise à disposition du bassin au profit de l’association. La vice-maire confirme avoir, le 4 novembre, demandé officiellement à Mohamed Dahabi de lui remettre l’ensemble du dossier administratif et juridique relatif à l’exploitation du bassin, mais elle affirme n’avoir reçu aucune réponse, alors qu’il est tenu légalement de le faire en sa qualité de cadre de la commune. L’absence de la convention originale au sein des archives communales entretient davantage le doute. L’ancien maire de Fès, Idriss Azami, assure de son côté ne jamais avoir signé un tel document, ce qui soulève la question d’un possible usage de faux.

Une seconde correspondance a été envoyée le même jour par la vice-maire au chef du département du patrimoine et de l’urbanisme de la commune. Celui-ci confirme, dans un rapport détaillé, que la convention entre la commune de Fès et l’Association Maghreb Sportif Fassi n’a pas obtenu le visa du wali, et qu’elle ne respecte pas les observations formulées par le ministère de l’Intérieur, notamment quant à la durée de l’exploitation et à l’obligation de fournir des cours de natation gratuits aux bénéficiaires de l’INDH. Le rapport note également l’absence du certificat de conformité et le non-respect des règles encadrant la gestion des biens communaux et des dispositions du code des collectivités territoriales, en particulier les articles 116 et 117, ainsi que l’absence d’une commission de suivi de la convention.

La vice-maire rappelle qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur, en date du 18 avril 2018, impose que toute convention conclue par une commune soit soumise au visa des autorités locales. Elle souligne que Dahabi, en tant que directeur général des services et président de l’association bénéficiaire, n’a tenu compte d’aucune de ces obligations: non-respect des recommandations, perception de redevances, rétention des documents originaux. Face à ces manquements, elle demande au maire de Fès, Abdessalam Bekkali, d’engager une procédure judiciaire afin de faire la lumière sur un dossier entaché de nombreuses irrégularités. Elle insiste également sur le fait que toute délégation de gestion d’un équipement public doit se faire dans un cadre concurrentiel conforme à la loi 57-19, ce qui n’est pas le cas.

Le terrain sur lequel a été construit le bassin couvert d’Al-Qarawiyyine appartient au domaine de l’État. Le projet a été réalisé dans le cadre d’un partenariat entre la commune et l’INDH, mobilisant un budget total de 4 millions de dirhams, dont 3 millions financés par la wilaya via le programme transversal de l’INDH, et 1 million apporté par la commune. L’accord prévoit que l’exploitation et la maintenance soient assurées par une association de la société civile, avec obligation d’offrir une formation gratuite en natation à cent enfants des quartiers défavorisés, ainsi qu’un accès gratuit aux jeunes résidents des établissements sociaux. Or, les conditions de gestion observées aujourd’hui s’éloignent radicalement de ce cadre, renforçant les soupçons d’irrégularités et la demande croissante d’une enquête judiciaire pour en déterminer les responsabilités.

Par La Rédaction
Le 09/12/2025 à 18h27