Curieux «peuple sahraoui» qui se limiterait à un fragment du grand Sahara, cette frange méridionale du Maroc jadis placée sous domination espagnole et rebaptisée «Sahara occidental». En réalité, une province amputée d’un Maroc souverain.
Tout attestait la continuité de cette souveraineté. La même monnaie circulait du nord au sud du royaume. Les tribus prêtaient allégeance au Sultan. L’avis de la CIJ en 1975 a établi qu’il existait des liens juridiques d’allégeance entre les tribus sahariennes et le Sultan du Maroc, reconnaissant ainsi une réalité historique et politique que le droit international codifié peinait à traduire en termes de souveraineté territoriale —reflet d’une lecture souvent eurocentriste, qui tend à ignorer la validité des formes d’autorité propres aux grandes civilisations non européennes.
Une cohésion ethnique et sociale liait les confins méridionaux au reste du pays. Les caïds, nommés par le Makhzen, assuraient l’encadrement politique et religieux. De surcroît, les cartes occidentales désignaient la région comme marocaine, tandis que les traités et correspondances diplomatiques européens confirmaient expressément l’autorité du Sultan.
Autant de faits qui pulvérisent l’idée d’un «peuple sahraoui» autonome et constitué.
Jamais en effet l’histoire n’a connu d’État sahraoui: pas de monnaie, pas de drapeau, pas de dynastie souveraine. L’absence de toute trace institutionnelle d’un tel État dans les archives pèse plus lourd que tous les slogans.
Quel est donc ce «peuple» absent à la fois des documents d’histoire et des cartes de géographie ?
Si ce peuple existait vraiment, il devrait au moins présenter une cohérence spatiale et historique. Or, rien de tel.
Le Sahara n’est pas ce carré de sable isolé que l’on voudrait découper à coups de compas coloniaux. C’est un océan minéral de près de neuf millions de km², traversant neuf pays et peuplé d’une mosaïque de tribus et de lignages. Des siècles durant, elles ont circulé librement du Souss aux rives du Sénégal, de l’Atlantique à Ghadamès, et jusqu’aux routes caravanières du Nil et du Soudan. C’est pourtant dans une portion de cet immense espace de mobilité et d’échanges que certains ont cru pouvoir créer, comme par enchantement, un micro-État sorti de nulle part, circonscrit à la seule partie marocaine.
Comparaison n’est pas raison, leur cas différant fondamentalement, mais les Kurdes, par exemple, ne se limitent pas à l’Irak : ils se projettent aussi en Turquie, en Syrie et en Iran. Les Basques ne bornent pas leur identité aux Pyrénées: ils la vivent des deux côtés de la montagne, au nord comme au sud. Les Catalans, eux, revendiquent leur existence de part et d’autre des frontières espagnoles et françaises, sans jamais la réduire à une circonscription arbitraire.
Autant d’exemples qui montrent qu’une identité véritable s’impose par la force de l’histoire, par la permanence d’une mémoire et d’une culture partagée. Elle peut se déployer au-delà des frontières, au lieu de se réduire à une parcelle tracée dans un bureau colonial. Ni en Algérie, ni en Mauritanie, ni en Libye, ni en Tunisie. Et pourtant, des tribus sœurs y vivaient, y commerçaient, y circulaient depuis des siècles, à une époque où les frontières tracées par les colonisateurs n’existaient pas encore.
L’absence de frontières ne signifiait cependant pas absence d’autorité. Car ici, la souveraineté ne s’écrivait pas en barbelés ni en casernes, mais en actes d’allégeance au Sultan.
Cette harmonie fut rompue avec l’entrée dans la région des manigances impérialistes et coloniales.
C’est ainsi que l’Espagne, au Sud, occupa Séguia al-Hamra et Oued Dahab, qu’elle transforma en colonie sous le nom de Sahara occidental. La France, à l’Est, annexa progressivement à l’Algérie coloniale les provinces marocaines du Touat, de la Saoura, du Tidikelt, du Gourara, puis de Tindouf, donnant ainsi le Sahara oriental.
Les germes du malentendu furent ainsi semés dès lors que l’Europe traça des lignes dans le sable.
Le militant et écrivain marocain d’origine sahraouie, Édouard Moha, le rappelle dans Le Sahara occidental ou la sale guerre de Boumedienne : «Il n’existe pas de peuple sahraoui comme l’a prétendu une certaine propagande visant à justifier la sécession avec le Maroc. Si l’on a pu isoler artificiellement les Sahraouis marocains des autres Marocains, c’est uniquement parce que la décolonisation a figé une séparation administrative instaurée par l’Espagne, sans aucun fondement historique ou sociologique.»
Et le professeur Taoufiq Kabbaj d’ajouter une précision capitale dans sa thèse de droit international : ce «peuple sahraoui» ne laisse «aucune trace dans les annales de l’histoire, ni dans les dispositions législatives, réglementaires et les décisions politiques de l’époque de la colonisation» (Cf. L’affaire du Sahara occidental). Autrement dit: archives, lois et décisions administratives n’ont jamais reconnu une telle entité.
Ce constat ne vient pas seulement du Maroc. Il fut formulé sans détour par l’ancien Premier ministre français Pierre Messmer, qui affirmait à la presse (France-Soir, 30 janvier 1976, cité par Maurice Barbier dans Le conflit du Sahara occidental): «Le peuple sahraoui n’existe pas. C’est une invention.» Une déclaration limpide, preuve que, dès cette époque, certains observateurs lucides avaient perçu l’artificialité de ce château de sable.
En somme, aucun peuple sahraoui historiquement ou culturellement constitué n’a jamais existé. Ce que l’on trouve dans la région, ce sont des tribus et des lignages sahariens, intégrés depuis toujours au cadre plus vaste du Maroc et de ses dynasties, comme l’une des composantes du peuple marocain. Le reste n’est qu’une fabrication géopolitique récente, sans ancrage historique ni consistance sociologique.
L’Espagne, colonisatrice, a joué un rôle clé dans l’isolement artificiel des Sahraouis du reste des Marocains en façonnant de toutes pièces une entité factice, détachée de ses racines marocaines afin de légitimer son emprise. Ce n’était pas l’émergence d’un peuple, mais la mise en scène d’un simulacre, élaboré dans les officines d’une dictature coloniale.
Après 1975, l’Algérie récupéra l’imposture à son compte et poussa d’un cran le projet expansionniste et colonial. Non contente d’avaler les territoires que la France lui avait déjà offerts, elle lorgnait désormais sur une ouverture atlantique à travers un micro-État fantoche, docile à ses ordres, tout en tentant de couper le Maroc de ses racines africaines.
Les camps de Tindouf devinrent le laboratoire d’une conscience «nationale» fabriquée, structurée par un récit idéologique exclusif. On y fit converger des populations de diverses origines, amalgamées artificiellement sous une même bannière. Ce patchwork humain fut brandi comme la matrice d’une nation en trompe-l’œil, alors qu’il relevait surtout d’un assemblage hétérogène façonné au service d’un agenda géopolitique.
Fidèle à sa duplicité, Alger se proclame défenseur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, au prix d’un sidérant deux poids deux mesures. Pour la Kabylie : silence. Pour les Touaregs: censure. Pour le Sahara marocain: mobilisation militaire, diplomatique et financière.
Un paradoxe de plus en plus relevé par les chancelleries, conscientes que ce conflit est entretenu comme un caillou volontairement glissé dans la chaussure du Maroc, selon la formule perfide de Boumediene.
Il faut dire que l’incohérence —pour ne pas dire la malveillance— se retrouve aussi chez certaines mouvances occidentales, alors même que l’Union européenne s’est bâtie sur le dépassement des nationalismes meurtriers. Comme si l’intégrité de la Catalogne, de la Corse, de la Bretagne, de la Bavière, de la Flandre, de l’Écosse ou de l’Irlande du Nord était sacrée… mais que celle du Maroc pouvait être négociable!
Poussée jusqu’au bout, cette logique ferait de l’Europe une mosaïque de micro-États : républiques basque, corse, flamande, écossaise, padane… Une macédoine politique ingérable, digne d’une carte médiévale.
Ce danger, Valéry Giscard d’Estaing l’avait déjà pointé dans Le Nouvel Observateur (2 février 1976), en déclarant ne pas être favorable à la création d’un petit État indépendant au Sahara et en jugeant «regrettable la multiplication des micro-États».
Paradoxe saisissant: une partie de la gauche radicale espagnole, pourtant farouchement anti-impérialiste et viscéralement hostile au franquisme, n’a pas hésité à reprendre un récit forgé par Franco lui-même, comme le notait l’analyste Lahcen Haddad, en mars 2025, dans Atalayar. En croyant défendre les Sahraouis, ces courants reprennent en réalité l’un des héritages les plus cyniques du franquisme.
Face à toutes ces incohérences, le Maroc oppose la constance. Ses provinces du Sud font partie intégrante de son histoire, comme en témoignent les liens multiples —historiques, religieux, politiques, économiques et culturels— qui les rattachent au Royaume.
L’offre d’autonomie élargie, saluée par l’ONU et jugée sérieuse et crédible par de nombreux partenaires, illustre cette cohérence: respecter la diversité locale tout en sauvegardant l’unité nationale.
On peut toujours brandir des drapeaux de carton-pâte, des récits cousus de slogans sans chair ni mémoire, mais le réel reste têtu: le Sahara Occidental est marocain. Le reste n’est que sable mouvant et mirages.





