Mezouar: "La France n’est pas la conscience du monde"

Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères.

Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères. . DR

Revue de presseKiosque360: Dans une interview accordée au journal Le Monde, le ministre marocain des Affaires étrangères est revenu sur les circonstances du gel de la coopération judiciaire entre la France et le Maroc. Une coopération qui a récemment repris après une année de froid diplomatique. Les détails.

Le 03/02/2015 à 10h06

 La coopération judiciaire entre le Maroc et la France reprend après une année de froid diplomatique entre les deux Nations. Un froid qui a été jeté le 20 février 2014, suite à la descente effectuée par la police française au domicile de l’ambassadeur du Maroc à Paris. Une descente dirigée contre le chef du renseignement marocain, Abdellatif Hammouchi, qui se voyait accusé de torture. Les deux pays ont annoncé, samedi 31 janvier, le dégel de leur coopération judiciaire. Une reprise qui intervient «après une année de brouille», comme le souligne le journal Le Monde, auquel Salaheddine Mezouar a accordé une interview. Revenant sur le rétablissement de la coopération judiciaire franco-marocaine, «résultante d’un long processus», le ministre marocain des Affaires étrangères confie ainsi au Monde que la France a «pris conscience qu’il ne s’agissait pas d’une saute d’humeur du Maroc mais d’une exigence liée à une demande de respect: de nos institutions, de notre cadre judiciaire, de nos engagements mutuels.» Salaheddine Mezouar a ainsi insisté sur le discrédit que la France avait jeté sur l’appareil judiciaire marocain et ses représentants en s’en prenant à «un haut responsable qui a toujours aidé la France». «Une atteinte à l’intégrité et à la dignité» que le Maroc ne pouvait accepter: «Le Maroc exige le respect, la considération. Il ne demande ni immunité ni impunité. Ce qui est important, c’est l’interaction entre les deux justices. C’est le b.a.-ba d’une coopération judiciaire. On ne peut pas juger une affaire en France sur des supputations», soulignera en effet le ministre, relevant que donc, au vu de la situation, le cadre de coopération judiciaire se devait d’être revu.

La France n’est pas la conscience du mondeLe Maroc se devait ainsi de remettre les choses au point en faisant comprendre à la France que sa justice ne saurait se targuer d’une quelconque suprématie qui lui ferait «considérer (…) que la justice de l’autre n’est pas une justice», et ce jusqu’à «passer outre toutes les convenances diplomatiques» et «aller à la résidence d’un ambassadeur censé être protégé par les accords de Vienne».L’accord conclu entre les ministres marocain et français de la justice, un accord dont les détails, déclarera Salaheddine Mezouar, seront livrés en temps voulu, devrait permettre aux deux pays de repartir sur de nouvelles bases, dans une confiance retrouvée. Une confiance qui, soulignera-t-il en réponse à certaines rumeurs, n’a nullement été fragilisée par le renforcement de la coopération franco-algérienne: «La France est libre de nouer des relations avec qui elle veut. Nous ne sommes pas en concurrence avec l’Algérie. L’Algérie est un pays voisin que nous respectons, avec lequel nous avons un gros différend, mais pas au point de considérer que tous ceux qui nouent une relation avec elle deviennent nos ennemis. Ce n’est pas notre culture ni notre vision.» Comme il n’est pas dans cette vision d’accepter «que l’on touche aux sensibilités», affirmera au Monde le ministre, en réponse à la question de savoir pourquoi le Maroc n’avait pas participé à la marche de Paris, le 11 janvier, suite à l’attentat meurtrier qui a frappé Charlie Hebdo. Salaheddine Mezouar réitérera ainsi la solidarité du Maroc avec la France face à ces actes terroristes. Mais «exercer sa liberté ne veut pas dire affecter celle de l’autre», dira-t-il encore avant d’ajouter: «Il ne faut pas considérer sa liberté comme la seule vérité. La France n’est pas la conscience du monde.»Autant dire que le ministre des Affaires étrangère a remis les pendules à l’heure.

Par Bouthaina Azami
Le 03/02/2015 à 10h06