Comme la dramatique escalade à Al Qods nourrit les calculs politiques du Hamas et de Netanyahou, il semble que le PJD et Al Adl Wal Ihsane aient des visées similaires dans leur acharnement à vouloir prouver qui est plus palestinien que l’autre. Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du mercredi 12 mai, que cette guéguerre entre les deux traditionnels rivaux islamistes a commencé quand le chef du gouvernement et patron du PJD, Saâd-Eddine El Othmani, a signé l’accord de la reprise des relations entre le Maroc et Israël. C’est ainsi que, dès la diffusion des premières images de l'agression israélienne contre les Palestiniens, les activistes des deux formations ont mobilisé leurs partisans sur les réseaux sociaux et leurs sites électroniques respectifs.
Rien d’anormal jusqu'ici puisqu’il s’agit d’exprimer des positions constantes de soutien aux Palestiniens. Sauf que, cette fois-ci, les divergences entre les deux plus grands courants islamistes marocains ont débordé vers une confrontation plus politicienne. Les activistes des deux bords ne se sont pas contentés d’entonner des slogans soutenant la résistance palestinienne, mais ils ont exploité cet événement pour exprimer leurs positions sur la normalisation des relations du Maroc avec Israël. Autant dire que les discours de soutien aux Palestiniens sont apparus comme le tremplin d’un jeu politique où chacun des deux courants islamistes cherche à s’approprier une légitimité exclusive en tant que nationaliste arabe.
C’est ainsi que la solidarité avec les Palestiniens est devenue une occasion pour le PJD de réitérer sa thèse farfelue qui consiste à dire que son secrétaire général avait signé, à contrecœur, l’accord de la reprise des relations avec Israël. Mieux encore, certains activistes PJDistes y ont trouvé une opportunité pour rendre la pareille au pouvoir qui avait «obligé le PJD à signer l’accord de normalisation avec Israël». A l’opposé, le mouvement Al Adl Wal Ihsane a exploité l’agression israélienne pour envenimer davantage la situation du PJD et l’isoler de la sphère islamiste, en l’accusant d’avoir normalisé les relations avec Israël.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte que les relations entre les islamistes marocains n’ont cessé de se dégrader depuis le 22 décembre dernier, date de la signature de l’accord tripartite Maroc-USA-Israël. Le mouvement de Cheikh Yassine accuse le PJD d’avoir renoué avec Israël, tandis que le PJD clame haut et fort qu’il soutient les Palestiniens plus que n’importe qui. Cette guéguerre politique et médiatique a été tranchée par Al Adl Wal Ihsane quand ce mouvement a réussi à évincer le PJD de l’instance islamiste de soutien à la Palestine. Le PJD a dénoncé vigoureusement cette exclusion, tout en créant sa propre entité de soutien à la Palestine, loin de ses traditionnels associés idéologiques.
Mieux encore, le PJD a essayé de surclasser son rival quand il a appelé à organiser un sit-in à Rabat pour soutenir les Palestiniens et dénoncer les agressions israéliennes. Un sit-in qui n’a pas eu lieu puisque les autorités locales l’ont interdit à cause de l’état d’urgence sanitaire. Pendant que les islamistes du PJD cherchaient à collecter des dons en faveur des Palestiniens, leurs homologues d’Al Adl Wal Ihsane ont tenté, eux aussi, d’organiser une marche dans les rues de Casablanca. Mais, là encore, les services de sécurité ont tué dans l’œuf cette tentative en l’interdisant, conformément aux dispositions de la loi sur l’Etat d’urgence.