Un leader aura rarement aussi bien porté son nom. C’est ainsi que Khaled Mechaal (traduisez «étincelle») veut allumer le feu de la fitna au Maroc. C’est le moins que l’on puisse dire suite à sa sortie, par vidéo diffusée hier dimanche 19 novembre devant les militants du Parti de la justice et du développement (PJD) et leur base idéologique, le Mouvement unicité et réforme (MUR), lors d’un meeting de solidarité avec la Palestine organisé au siège de ce dernier à Rabat.
Le ton directif, le point levé, l’air sévère, le président du mouvement palestinien Hamas à l’étranger a poussé l’audace jusqu’à interpeller directement les Marocains, les incitant à la désobéissance civile. «Je m’adresse à vous, Marocains, populations, islamistes, forces vives, politiques, quels que soient vos courants politiques ou idéologiques. Il y a un pas que vous, Marocains, pouvez franchir: interpeller vos dirigeants. Je dis cela parce que je suis jaloux du Maroc, de ses intérêts et de sa sécurité. Faites-le par jalousie de la Palestine», s’est exclamé le leader du mouvement islamiste palestinien, en guerre contre l’armée israélienne depuis l’attaque menée le 7 octobre dernier par ses brigades.
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Que demande Khaled Mechaal et qu’est-ce qui peut expliquer, faute de le justifier, ce véritable appel à l’insurrection? «Que le Maroc rompe ses relations avec Israël, qu’il arrête le processus de normalisation, qu’il expulse l’ambassadeur (israélien, NDLR) et qu’il tourne une page hors contexte», a ajouté, enflammé, celui qui réside depuis plusieurs années à Doha, dans le confort de l’accueil princier que lui accorde le Qatar, loin, très loin des bombardements israéliens qui s’abattent sur Gaza et sa population.
Pour lui, c’est au prix d’une rupture entre les Marocains et leurs autorités suprêmes, entendez l’institution monarchique, que le Maroc gagnera en «respectabilité», puisque «c’est le seul moyen de pousser les Etats-Unis et l’Occident à changer de position». Il oublie en cela le rôle que peut jouer un pays comme le Qatar, qui l’héberge pourtant mais qu’il n’ose désigner, ne serait-ce qu’indirectement. Tout comme il s’abstient de citer un pays comme la Turquie, dont le président Recep Tayyip Erdogan, tout en se revendiquant des Frères musulmans, auxquels appartient le Hamas, continue son business as usual avec l’Etat hébreu. Pourquoi donc le Maroc? «Tout simplement parce que le MUR, et donc le PJD, qui pivote autour de la même sphère, l’y autorise. Sinon, comment oserait-il contourner les autorités du pays pour haranguer les foules de la sorte?», pointe un analyste.
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Dans sa tentative d’exporter le drame de Gaza au Maroc, Khaled Mechaal essaie également de faire pression sur les pouvoirs publics en manipulant les populations. Il y va pour lui de la capacité du pays à «corriger une erreur», entendez la reprise des relations, signée pourtant des mains de l’ancien secrétaire général du PJD et ex-chef du gouvernement Saâd Eddine El Othmani. Ainsi, ce ne serait rien d’autre qu’un devoir accompli et une preuve réelle de soutien à la résistance. Pour le responsable du Hamas, c’est cela ou rien.
Rappelons que Khaled Mechaal n’en est pas à son premier forfait s’agissant du Maroc. Il s’était comporté de la sorte en 2017 au Maroc, en tenant un discours tout aussi directif à l’adresse des chefs des partis qu’il avait rencontrés, de la formation islamiste au Parti authenticité et modernité (PAM) en passant par le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et l’Union socialiste des forces populaires (USFP). A cette différence près qu’il semble avoir oublié ses remerciements d’alors au Souverain pour son appui inconditionnel à la cause palestinienne. Comme il semble également oublier que le Maroc a été parmi les premiers pays à porter secours aux Gazaouis suite à la récente riposte israélienne.