Évasion de devises: l’Office des changes soupçonne la Compagnie minière de Touissit

Sur l'un des sites exploités par la Compagnie minière de Touissit (CMT).

Revue de presseDepuis le rachat de la compagnie, les propriétaires sont soupçonnés d’avoir placé des millions de dollars à l’étranger. Une infraction à la réglementation des changes. Une revue de presse du site panafricain Africa Intelligence.

Le 09/02/2024 à 19h45

Une situation difficile attend la Compagnie minière de Touissit (CMT). Selon le site d’information Africa Intelligence, les autorités marocaines reprochent à la compagnie de ne pas avoir rapatrié des sommes versées par son principal client, Glencore. Ce dernier achète, en effet, depuis 2010 l’intégralité du plomb et du zinc produit par le groupe minier.

Bref, l’opération porte sur 13 millions de dollars versés au premier semestre de 2023 sur le compte de Touissit International Corp (TIC), la filiale internationale de la CMT, enregistrée auprès de la banque JP Morgan, aux États-Unis, précise le site. Or, selon la réglementation des changes, une entreprise recevant des fonds de l’étranger, à la suite d’une exportation de produits du Maroc, dispose de 150 jours pour les rapatrier dans le Royaume. Dans le cas de la CMT, cela n’aurait pas été fait. Ce qui a provoqué le déclenchement d’une enquête par l’Office des Changes.

L’Office, explique Africa Intelligence, «cherche à vérifier si cet argent, versé aux États-Unis, a servi au rachat du groupe aurifère canadien Banro Corp, finalisé en mars 2023, après de longs mois de tractations». Si c’était le cas, précise le site, cet investissement en RDC, avec des revenus de la CMT, est conditionné à l’aval de l’OC.

En attendant d’en avoir le cœur net, l’Office des changes a saisi le Groupement professionnel des banques (GPBM), demandant à tous les établissements bancaires membres de ne procéder à aucun transfert de fonds sur demande de la CMT à l’étranger sans autorisation préalable de l’Office.

D’après Africa Intelligence, la CMT devra dorénavant «justifier tous ses achats, à l’extérieur du Maroc, d’intrants nécessaires à sa production minière sur son principal site extractif de Tighza, à 250 km à l’est de Casablanca». Et pour ne rien arranger, cette lettre de l’Office des Changes risque d’impacter la réputation de la CMT puisque les banques seront désormais méfiantes, sinon réticentes, en cas de demande de financement.

Selon le site d’information panafricain, depuis l’arrivée aux manettes, en août 2022, du Congolais Luc Gérard Nyafé, repreneur en 2020 de la CMT via le groupe Auplata Mining Group (AMG), «les alertes concernant les transactions du groupe à l’étranger se sont multipliées. Elles ont entraîné sa mise sous surveillance accrue par l’OC depuis septembre 2022». Ainsi, poursuit le site, le 5 janvier, le département de supervision de l’OC a envoyé deux de ses agents au siège de la Compagnie minière, à Casablanca, pour éplucher ses opérations à l’étranger.

Par ailleurs, l’OC supervise les transactions de la CMT avec ses fournisseurs et clients internationaux. Deux transactions intervenues après la prise de contrôle de la CMT par Luc Gérard Nyafé et AMG posent problème. Il s’agit de celle concernant le non-rapatriement des 13 millions de dollars versés par Glencore, et d’un transfert, en 2022, de 20 millions de dollars, également aux États-Unis.

Les entreprises minières, conclut le site, sont bien autorisées à transférer annuellement à l’étranger 20 millions de dollars sans avoir à justifier la transaction auprès de l’OC. Toutefois, «ce transfert ne peut servir de placement pour générer des intérêts, il est limité à l’investissement». Or l’OC soupçonne la CMT d’avoir placé cet argent dans un fonds de JP Morgan, aux États-Unis, au lieu de l’investir. Et «cette situation avait déclenché, en septembre 2022, une mission de l’OC dans les locaux de la CMT».

Par Amyne Asmlal
Le 09/02/2024 à 19h45