Le fait est plutôt inédit dans les annales électorales nationales. Trois chefs de partis s’affrontent dans une même circonscription: Saâd-Eddine El Othmani (PJD), Nabil Benabdallah (PPS) et Isaac Charia (PML). Chacun a un défi à relever, une performance à confirmer ou une revanche à prendre.
El Othmani, alias Ibn BattoutaSaâd-Eddine El Othmani, chef du gouvernement au mandat finissant, a jeté son dévolu sur cette circonscription après s’être baladé entre Casablanca, Inezgane et Mohammedia. Si son parti a bien tiré son épingle du jeu en 2016 en arrachant deux sièges (Mohamed Sadiki et Abdellatif Benyaâkoub) avec 29.513 voix (44,6% des suffrages valides), les choses ne seront pas aussi évidentes le 8 septembre prochain. Les nouvelles lois qui ont été votées pour cette échéance, notamment le quotient électoral, ne permettent pas la mainmise d’une seule formation politique. Et le secrétaire général du PJD pourrait aussi faire l’objet d’un vote sanction «pour l’ensemble de son œuvre» et la gestion dont a fait preuve son parti, pendant cinq ans.
Benabdallah et l’amer souvenir de Skhirat-TémaraL’automne de 2007 a été une terrible expérience pour le secrétaire général du PPS. Une campagne de dénigrement menée par les islamistes ne lui a pas facilité la tâche et il est sorti les mains vides de la circonscription de Skhirat-Témara. Une terrible défaite, à oublier, mais aussi un score de 2016 à faire oublier: à peine 776 voix. La chance sourira-t-elle cette fois-ci à ce R’bati, interprète-traducteur de profession, et plusieurs fois ministre?
Isaac Charia, une question de vie ou de mortPatron du Parti libéral marocain (PLM) depuis quelques mois, après avoir «déposé» Mohammed Ziane, Isaac Charia a décidé de jouer dans la cour des grands et de lancer un défi à Saâd-Eddine El Othmani. Si jamais il est élu, Isaac Charia, avocat originaire de Tétouan, arrachera le véritable acte de (re)naissance de ce parti, dont l’ex-patron a décidé de boycotter le scrutin de 2016. Le nouveau et jeune patron du parti à l’emblème au lion adore les buzz et aller au contact direct avec les populations. Il dit surtout tabler sur une jeunesse avide de changement. Une mission très difficile, mais pas impossible.
Mehdi Bensaïd, un stage au-dessusLe PAM a remporté, en 2016, l’un des quatre sièges de cette circonscription, avec Abdelfattah El Aouni. Pour le prochain scrutin, il met en avant Mehdi Bensaïd, jeune dirigeant respecté par tout le monde. Ex-député élu sur la liste nationale en 2011, il devra prouver que son ancien mandat était bel et bien mérité, et qu’il n’avait rien à voir avec une quelconque «rente» politique, comme l’affirment les détracteurs de cette liste, disparue pour céder la place aux listes régionales. Quant au PAM, il s’agit d’une question de survie politique à Rabat, à l’ère de Abdellatif Ouahbi.
Benlkhouya, sur les traces de BalafrejOmar Balafrej avait créé une vraie surprise dans cette circonscription, en 2016, en poinçonnant son ticket pour le Parlement, sous les couleurs de la Fédération de la gauche démocratique (FGD). Meryem Benkhouya, une femme bardée de diplômes (elle est notamment issue de l’université de la Sorbonne), et cadre du ministère de l’Economie et des finances, armée de plusieurs décennies de militantisme associatif, va essayer de rééditer le même exploit. Vivement une femme élue dans cette circonscription, où 75% des électeurs (chiffres de 2016) ont un niveau d’études supérieur.
RNI, USFP, Istiqlal: rattraper le temps perduHistoriquement, il était inimaginable de voir des partis traditionnels comme l’USFP, l’Istiqlal ou encore le MP se casser les dents dans cette circonscription de la capitale. Mais c’est exactement ce qui est arrivé lors du dernier scrutin. Le MP s’était contenté de 2.722 voix, l’Istiqlal de 2.629 suffrages et l’USFP d’à peine 1.109. Avec 3.762 voix, le RNI était proche du but, mais ce n’était pas assez.
Du coup, l’USFP revient à la charge avec un nouveau visage: Badre Tancheri Ouazzani, patron de l’Ordre national des vétérinaires. Le RNI compte sur le jeune ingénieur Abderrahim Ouaslam. Quant au PI, il a désigné Abdelilah Bouzidi Idrissi, membre de la direction, et vieux routier de la formation de Nizar Baraka.
Qui saura bien nager dans cet Océan aux eaux troubles, pour atteindre l’autre rive sans trop de dégâts? Sur le papier, tout le monde a sa chance. Le reste dépendra de l’adhésion des électeurs. Et on ne dira pas non à quelques bonnes petites surprises.
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