Duels au sommet. EP-4: à Mediouna, deux gentlemen et un «transhumant», face à un prédicateur

Salah Aboulghali (1, PAM), Moqri’e Idrissi Abouzaid (2, PJD), Amine Chafik (3, Istiqlal) et Amine Nokta (4, RNI)... sont tous candidats aux législatives du 8 septembre 2021, à Médiouna. . Youssef El Harrak / Le360 (photomontage)

Mediouna, dans la lointaine banlieue casablancaise, promet elle aussi un duel des plus inédits dans l’histoire des élections au Maroc. Le PJD veut y avoir droit de cité, le PAM cherche une confirmation, et le PI, pour gagner, y débauche chez l’UC… Explications.

Le 06/09/2021 à 14h30

Dans la vaste banlieue de Casablanca, Mediouna est une cité dans la cité. Avec cinq communes urbaines et rurales, elle concentre, à elle seule, les criards paradoxes du pays, entre extrêmement riches et extrêmement pauvres, villas cossues au luxe tapageur, et bidonvilles jonchés de détritus, où un quidam, juché sur un âne pelé, passe parfois…

C’est dans cette circonscription que se joue actuellement l’un des duels les plus passionnants pour le scrutin législatif, et les plus attendus, du 8 septembre. Pour deux sièges, la compétition va être des plus féroces entre quatre partis: le PAM, le RNI, le PJD et l’Istiqlal.

Amine Nokta, l’espoir du RNILors du scrutin du 7 octobre 2016, le RNI avait vraiment souffert dans cette circonscription, où il avait à peine récolté 120 voix. Pour changer la donne, il table désormais sur le fringant Amine Nokta. A 31 ans à peine, ce docteur en sciences politiques, professeur universitaire, est certes un parfait inconnu, mais pas dans le milieu associatif. Homme d’affaires aussi, il bénéficie déjà d’un capital sympathie très appréciable parmi les habitants de Mediouna. Il a à ses côtés, de plus, un atout non négligeable: Insaf Rerhrhaye, militante associative et présidente de l’association «Riayat Ibn Assabyl», une ONG qui prend en charge des enfants en situation défavorable, de leur naissance à leur majorité. La très appréciée Insaf Rerhrhaye est la colistière d’Amine Nokta, et le RNI compte beaucoup sur ce duo pour s’implanter à Mediouna.

«Er-Raïss» SalahA Mediouna, tout le monde l’appelle «Er-Raïss», «le Président». Salah Aboulghali a en effet présidé aux destinées du conseil communal de Mediouna pour deux mandats, et il est aussi le député de cette même circonscription, ainsi que le coordinateur régional du PAM pour Casablanca-Settat.

Lors du précédent scrutin, ce produit d’une école anglophone a réussi à rafler pas moins de 10.795 voix, et donc la première place. N’ayant pas du tout froid aux yeux, il sait même tenir tête au secrétaire général de son parti (il a été l’un des détracteurs de la gestion de Hakim Benchammas), tout comme à un ministre de l’Economie et des finances, lors des débats houleux des PLF dans l’hémicycle. Avec ces faits d’armes, il part donc naturellement favori pour remporter l’un des deux sièges de Mediouna. 

Quand Baraka débauche chez SajidLe deuxième siège de cette circonscription a été remporté, en 2016, par Amine Chafik, issu d’une famille implantée dans cette province depuis bien longtemps. Sauf que ce siège a été remporté au nom de l’Union constitutionnelle. Amine Chafik va donc tenter de rempiler, mais en «transhumant», et cette fois-ci sous les couleurs de l’Istiqlal qui, en 2016, avec un score de 4.584 voix, était très près du but. Avec le PI ou l’UC, ce jeune candidat garde ses chances intactes. Merci la famille (et la tribu)…

Le fqih Abouzaid, prédicateur et trouble-fêteEt il faut bien un barbu, dans tout cela… Comme Saâd-Eddine El Othmani, Moqri’e Idrissi Abouzaid fréquente l’hémicycle depuis 1997. Pas du tout pour participer à un débat constructif ou aider à ficeler une proposition de loi, ce qui ferait bien avancer les choses. Ce prédicateur (on ne compte plus le nombre de collectifs aux visées obscures dont il fait partie, aussi bien au Maroc qu’à l’étranger) adore polémiquer sur tout et n’importe quoi, sous son étiquette de prédicateur. Membre dirigeant du Mouvement unicité et réforme (MUR), il avait déclaré «geler» ses activités au sein du PJD après la reprise des relations entre le Maroc et Israël. Début août, surprise: le voici candidat à Mediouna, par la volonté des militants, assure le PJD. Bref, le genre de calamité qu’on ne souhaite ni à Mediouna, ni au Parlement. 

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Par Mohammed Boudarham et Youssef El Harrak
Le 06/09/2021 à 14h30