Accusés du meurtre du leader syndicaliste et l’un des dirigeants de l’USFP, Omar Benjelloun, les membres de la Chabiba islamiya (Jeunesse islamiste), fondée par Abdelkrim Moutiî, avaient écopé de lourdes peines. Nombre d’entre eux avaient fui à l’étranger, à l’image de Moutiî. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
Les principaux accusés, dont Belkacem Hakimi, avaient été condamnés à la peine capitale avant de voir leur sentence commuée en prison à perpétuité. Ils ont été, par la suite, graciés en janvier 2004. Commentant leur libération, feu Ahmed Benjelloun, frère de Omar, à qui les autorités avaient demandé son avis avant d’accorder la liberté aux prévenus, ne s’y était pas opposé. Selon lui, «ils n’étaient que de simples exécutants».
En dépit des nombreux écrits et de révélations sur cette organisation islamiste qui opérait dans les années 1970 dans la clandestinité, beaucoup de zones d’ombres subsistent. Certains membres de cette mouvance occupent aujourd’hui de hauts postes de responsabilités. A l’instar de Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement, et Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés.
Aujourd’hui, l’on apprend que cinq membres de la Chabiba islamiya, établis en France, devront regagner le royaume dimanche 26 avril courant. Une décision qui intervient en coordination avec le ministère de la Justice et des Libertés et le Conseil national des Droits de l’Homme (CNDH). Dans une déclaration à Le360, leur avocat, Abdallah et El Ammari, estime que ce retour au pays fait partie de nombreuses initiatives entreprises depuis des années.
«Ces personnes, qui retourneront dimanche au Maroc, n’y avaient pas mis les pieds depuis 1985. L’Etat marocain a décidé de clore ce dossier en application du principe de prescription», souligne Me El Ammari. L’avocat insiste également sur le fait que toutes les poursuites contre les personnes concernées ont bénéficié d’une grâce royale totale, en 1994, du temps du défunt roi Hassan II.
Rappelons que la prescription de l’action publique est de quinze ans pour les crimes et de cinq ans pour les délits.
«Le dossier de l’assassinat de Omar Benjelloun ne peut être clos»
Interpellé à la Chambre des représentants, en août 2012, sur les hommes politiques ayant été condamnés dans les années 1970, le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, en a défini trois catégories. «La première, a-t-il dit, est celle des hommes politiques qui ne font l’objet d’aucune poursuite judiciaire mais qui ont préféré rester à l’étranger de leur propre gré. Le droit de retour pour cette catégorie est garanti. La deuxième concerne les politiciens qui ont été amnistiés en 1994 et la troisième, enfin, concerne les politiques condamnés mais dont les noms ne figurent sur aucune des listes d’amnistie».
Cette déclaration laissant entendre un probable retour de Abdelkrim Moutiî avait suscité une levée de boucliers chez les USFpéistes, allant jusqu’à demander l’ouverture d’un nouveau procès pour «confronter toutes les personnes impliquées dans l’assassinat et élucider une éventuelle responsabilité de certains leaders du PJD qui étaient, au moment du crime, membres de la Chabiba Islamiya».
Contacté par Le360, Abdelhamid Jmahri, membre du Bureau politique de l’USFP, estime qu’il s’agit d’un «assassinat politique» ne pouvant bénéficier de prescription. «Le dossier de l’assassinat de Omar Benjelloun ne peut être clos tant que les auteurs de ce meurtre sont en vie, et certains ayant des accointances avec les meurtriers gèrent aujourd’hui les affaires de l’Etat», déplore Jmahri. Il estime par ailleurs que «la réconciliation ne peut aboutir que si la lumière est faite entièrement sur le meurtre de Omar Benjelloun».