On lui prédisait un retour en force sur la scène politique par la voie du MUR il y a quelques mois. Non seulement il n’a pas été élu la nuit dernière, mais il a subi une défaite cuisante.
Ainsi, après son éviction de la direction du PJD, Abdelilah Benkirane n’a pas pu accéder aux commandes du Mouvement unicité et réforme, le bras idéologique du parti islamiste, écrit le quotidien Al Akhbar dans son édition du lundi 6 août. C’est finalement Abderrahim Chikhi qui a été reconduit pour un deuxième mandat au terme du 6e congrès du mouvement, qui s’est tenu à Rabat, alors que le fondateur du mouvement et ancien parton du PJD est arrivé dernier sur une liste de cinq candidats, précise le journal.
Dans le détail, le président sortant Abderrahim Chikhi a obtenu 457 voix, suivi d’Aous Rimal avec 321 voix. Les deux anciens présidents Mohamed El Hamdaoui et Ahmed Raissouni ont obtenu, respectivement, 279 et 265 voix, tandis qu’Abdelilah Benkirane ferme la marche avec seulement 110 voix. C’est ainsi qu’Aous Rimal et Hanane El Idrissi, cooptés par le nouveau président, deviennent premier et deuxième vice-président, postes occupés auparavant par Fatima Najjar et Moulay Omar Benhmmad, et Mohamed Alilou en tant que président du conseil national du mouvement.
« Le MUR renvoie définitivement ses vétérans » commente, pour sa part, le quotidien Akhbar Al Yaoum, réputé proche de l’aile pro-Benkirane au PJD, dans un long article consacré à cet évènement. Par ailleurs, le journal souligne qu’après son élection pour un deuxième mandat, Abderrahim Chikhi (élu à 80% des voix) a vite fait d’écarter du nouveau bureau exécutif du mouvement ses deux prédécesseurs, El Hamdaoui et Raissouni ainsi que M’Hammed El Hilali, ancien numéro 2 du mouvement et les deux ministres Mustapha El Khalfi et Mohamed Yatime. Ce que le quotidien considère comme «une grande surprise» et même «un séisme».
De même, note le journal, contrairement aux années passées, aucun membre de la direction du PJD n’a été désigné au nouveau bureau exécutif du MUR. Ce qu’il interprète comme une rupture entre la direction du parti et celle de son bras idéologique. Le MUR a également rompu avec certains concepts qui ne figurent plus dans sa littérature, souligne Al Akhbar, donnant l’exemple du «jihad» et du «califat musulman» qui viennent d’être bannis de la charte fondatrice du mouvement.
De son côté, le quotidien Assabah, qui parle d’une «défaite tonitruante» de Benkirane dans sa livraison du lundi, affirme que ce dernier ainsi que des dirigeants d’Al Adl Wal Ihssane, ont été interdits de parole lors de la séance d’ouverture du congrès. Par contre, des invités du mouvement, qui font tous partie de la mouvance islamiste, venus de Mauritanie, d’Algérie, du Soudan et de la Palestine, ont pu s’exprimer.
Cela dit, note Assabah, le congrès a connu un débat houleux sur les rapports entre le mouvement et le PJD. Il a été notamment question de séparer la politique de la prédication, et les parlementaires du parti ont en profité pour déclarer qu’ils ne vont plus continuer à cotiser à la fois pour le parti et le mouvement. Tous les élus sont, en effet, soumis à un prélèvement obligatoire sur leur salaire de parlementaire dont une partie va au PJD et une autre est versée au MUR, rappelle le journal. Du coup, le mouvement, considéré comme le «réservoir électoral» du PJD, sera ainsi privé d’importants revenus financiers.
Al Ahdath Al Maghribia qui a, lui aussi, couvert cet événement, s’est particulièrement intéressé au phénomène Benkirane, cet «homme qui apparaît et disparaît», pour reprendre un titre de l’auteur marocain Mohamed Zafzaf, «Le renard qui apparaît et disparaît». Il est arrivé au congrès accompagné de l’ancien dirigeant istiqlalien M’Hammed El Khalifa, qu’il n’a pas quitté d’une semelle, et a insisté pour s’assoir au fond de la salle, déclinant l’invitation de la direction du MUR de se mettre dans la rangée du devant, rapporte le journal.
Bien avant, il avait tenu à faire de sa présence à ce congrès un mystère. On a finalement laissé entendre, d’après Al Ahdath Al Maghribia, qu’il ne s’était déplacé que pour faire honneur aux délégations étrangères invitées au congrès. Mais, pendant tout ce temps, il a tenu a faire passer un seul message, à savoir qu’«il n’est pas politiquement fini, et que sa très grande popularité est restée intacte», conclut le journal.