Pas plus tard qu’hier mercredi, le président Abdelaziz Bouteflika a reçu, une fois n'est pas coutume, le patron de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmajid Sidi Saïd. Par la même occasion, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, interpellait ce même patron de l’UGTA pour exiger des «explications». Mais quelle affaire aurait bien pu susciter tout ce remue-méninges? De quoi et de qui s’agit-il, alors ?
Il s’agit d’un message de félicitations adressé par le patron de la section locale de l’UGTA à la wilaya de Béchar au roi Mohammed VI, dans lequel le dirigeant syndicaliste exprime au souverain son soutien à l’initiative du Maroc pour l’octroi d’un statut d’autonomie au Sahara marocain.
Rien que cela ? Il n’en a pourtant pas fallu davantage pour que le patron de l’UGTA, Abdelmajid Sidi Saïd, soit mis en demeure de radier à vie le représentant de son syndicat à Béchar et de rassurer l’establishment algérien sur l’alignement de sa centrale sur la "position officielle d’Alger" sur le dossier saharien.
La sortie du fédéral de l’UGTA à Béchar, dont la presse algérienne fait largement écho, n’est pourtant pas un cas isolé. Elle intervient alors que de plus en plus de voix s’élèvent en Algérie pour appeler à l’abandon du Polisario à la faveur d’une normalisation tant espérée avec le Maroc à travers la réouverture de la frontière terrestre et d’une redynamisation du "Maghreb des peuples" qui, à l'évidence, sont unis par une communauté de langue, de religion, de culture, d'histoire et d'avenir. Un voeu somme toute légitime et dont les Algériens ne font plus aucun mystère.
Pour s’en apercevoir, il suffit de rappeler la sortie du patron du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir), début novembre 2015 sur le plateau de la chaîne Ennahar.TV, pour appeler ouvertement son pays à renoncer au soutien du Front Polisario. Ammar Saadani, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n’a pas hésité à critiquer clairement son pays pour son implication avérée dans le maintien de ce conflit, exhortant ses dirigeants à lever la main sur ce dossier en précisant qu’il devrait être du seul et unique ressort de l’organisation des Nations Unies (ONU).
L’avis émis par le patron du FLN sur le dossier saharien, quoique rationnel, n’était pourtant pas pour plaire à l’establishment algérien qui veut continuer à insulter l'avenir. Cet appel du cœur, accueilli dès le lendemain avec une violente réaction de certains confrères algériens rompus à la haine anti-marocaine, lui a valu une véritable volée de bois vert de la part de la présidence algérienne.
Les «précisions» apportées par le chef du Cabinet de la présidence algérienne, Ahmed Ouyahya, rappelant la légendaire position d'Alger sur ce dossier inventé de toutes pièces par ses propres soins, n’auront pourtant pas suffi à calmer la tempête, aussi bien du côté d’Alger que de celui de Tindouf. Il aura donc fallu que le président Bouteflika reçoive lui-même le chef du Polisario à son Palais d'El Mouradia, en présence du vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah, pour «calmer les ardeurs».
Loin s’en faut pourtant, puisque la SG du parti des travailleurs, Louisa Hanoune, ne manquera pas de se joindre à ce formidable sursaut dans l’opinion publique algérienne pour appeler, à son tour, à la normalisation des relations avec le Maroc, qui passerait nécessairement par l’abandon de toute forme de soutien au Front Polisario.
Et ce n’est pas tout! L’appel lancé dernièrement par le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, pour la réouverture de la frontière terrestre avec le Maroc s’inscrit dans le cadre de ce «sursaut» remarquable dans l’opinion publique algérienne.
Voyez, on pourrait allonger davantage la liste des appels provenant du peuple algérien pour une normalisation des relations algéro-marocaines, mais abrégeons: cet éveil populaire algérien démontre, à qui veut bien entendre ou voir, que la position «officielle» d’Alger sur le dossier saharien n’engage pas le peuple algérien frère, comme les apparatchiks algériens tentent vainement de le faire croire.
Et ce n’est surtout pas ce curieux «coup de balai» donné au fédéral de l’UGTA à Bachar qui va leur permettre de sauver la face!