Après plusieurs années de torpeur politique, la rue algérienne vient de prouver à ceux qui tirent les ficelles du pouvoir qu’elle ne dormait que d’un seul œil. Et comment pouvait-il en être autrement alors qu’on veut faire avaler au peuple algérien une couleuvre en lui servant un candidat à la magistrature suprême gravement malade, qui peut à peine faire bouger les doigts de sa main?
Dans son édition de lundi 25 février, le quotidien Al Ahdath Al Maghribia publie un dossier intitulé «L’Algérie boue sur le feu du 5e mandat», dans lequel il s’attarde sur les détails de ce jour «exceptionnel» de vendredi dernier, où le pays du million de martyrs s’est subitement réveillé.
La première manifestation est partie des mosquées après la prière du vendredi, quand les manifestants ont convergé vers la place du 1er Mai à Alger, avant de prendre la direction du palais présidentiel d’El Mouradia, où les forces de l’ordre l’empêcheront d’y approcher. Mais les slogans scandés par la foule sont sans équivoque: «Ni Bouteflika, Ni Said» (son frère et présumé dauphin), «Non au 5e mandat», «Bouteflika dégage», «Ouyahia dégage»… Bien que l’état d’urgence ait été levé en 2011, remplacé par une interdiction de manifester à Alger, ce mouvement de protestation sans précédent, parti d’un appel anonyme sur les réseaux sociaux, va faire tache d’huile et s’étendre spontanément à plusieurs autres villes du pays comme Annaba et Oran.
Dans une tentative du pouvoir de reprendre la main, le patron du FLN, Mouad Bouchareb a annoncé, selon Al Ahdath, que ses partisans n’attendent que le retour de Bouteflika de Suisse, où il se soigne actuellement, pour que des manifestations de soutien au 5e mandat soient organisées à travers tout le pays. Pour sa part, le SG du syndicat de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) a appelé à l’arrêt des manifestations pour sauvegarder «le climat de paix et de stabilité» que connait le pays.
Mais les manifestants ont rapidement reçu d’importants soutiens au sein de la classe politique locale. Ainsi Al Ahdath, rapporte que l’ancien président algérien et ancien général de l’ANP, Liamine Zeroual, est sorti de son domicile à Batna, pour exprimer son soutien aux protestataires. De son côté l’association des uléma algériens a lancé un appel au pouvoir l’appelant à ne pas prendre pour quantité négligeable la «colère qui gronde des tripes du peuple».
Même au sein des médias, plusieurs voix s’élèvent pour exiger que les télévisions et radios publiques couvrent les évènements qui ont cours en Algérie ces derniers jours. Ainsi Meriem Abdou, rédactrice en chef au sein de la 3e chaîne publique émettant en langue française, a présenté sa démission suite au refus de la direction de la chaîne de parler, ne serait-ce qu’a minima, du refus des Algériens d’avaliser un 5e mandat pour un président frappé d’incapacité depuis plus de cinq ans. Une honte!