Invitée sur le plateau de Medi I TV le week-end dernier, la nouvelle présidente du CNDH, Amina Bouayach, a eu à répondre, entre autres questions, sur celle de la réouverture par la justice du dossier de l’assassinat, en 1993 à Fès, de l’étudiant gauchiste Mohamed Benaissa Aït El Jid, sous la main d’un groupe d’étudiants islamistes dont l’actuel dirigeant et parlementaire du PJD, Abdelali Hamieddine.
Elle a sobrement affirmé que, comme cela se fait dans tous les pays du monde, rien ne s’oppose à cette réouverture du moment que la famille de la victime l’a demandée, sachant aussi qu’il n’y a pas de prescription en matière d’homicide volontaire. Un rappel d’un principe général du droit qui n’a pas été du goût de certains dirigeants du PJD, qui ont orienté leurs tirs groupés en ciblant, de manière virulente, la présidente du CNDH.
Selon Al Ahdath Al Maghribia du mercredi 27 février, la première salve tirée contre Amina Bouayach est venue de l’épouse même de Abdelali Hamieddine, la parlementaire du PJD et professeur de sciences politiques à Rabat, Bouthaina Karouri. Dans un article publié sur sa page Facebook puis dans les colonnes du quotidien Akhbar Al Yaoum du 26 février, madame Hamieddine considère que les propos de Bouayach «violent la neutralité et l’indépendance qui doivent caractériser le CNDH». Avant d’ajouter que «Bouayach a interféré de manière flagrante dans une affaire soumise à la justice, et dont personne n’ignore le caractère politique… En défendant le droit de la famille de la victime à porter plainte, elle a du même coup porté atteinte à l’autre partie qui est victime d’une plainte assassine, pour des raisons dont on peut prouver qu’elles sont strictement politiques». Bouthaina Karirou est allée même jusqu’à l’insulte en qualifiant la sortie de Bouayach d’«ignorance crasse» à «travers des fatwas juridiques farfelues».
Une sortie virulente qui fait dire au quotidien Assabah de ce 27 février que le PJD cherche désormais clairement à mettre sous sa tutelle certaines institutions constitutionnelles en tentant, après le Conseil de la concurrence, de faire taire le CNDH et sa présidente.Cette tentative est manifeste à travers la réaction de Mohamed Amekraz, SG de la Chabiba du PJD, qui a oublié qu’Amina Bouayach n’avait à aucun moment abordé le fond de l’affaire Hamieddine, mais s’était cantonnée à la forme. Ce qui n’a pas empêché le patron de la jeunesse PJDiste de brandir le principe de «l’autorité de la chose jugée» à la face de Bouayach pour disculper Hamieddine. Mais trêve de débats car, in fine, c’est à la justice que revient le dernier mot pour inculper ou disculper le prévenu PJDiste.