Galvanisés par le référendum d'autodétermination de dimanche, suivi d'une grève générale et de manifestations de centaines de milliers de personnes, les dirigeants catalans pourraient déclarer l'indépendance lundi, a indiqué mercredi 4 octobre une source au sein du gouvernement régional.
Les partis indépendantistes, majoritaires au parlement régional, ont réclamé une séance plénière ce jour-là pour débattre des résultats du vote, et ils souhaitent que le président séparatiste de la Catalogne, Carles Puigdemont, vienne s'exprimer.
"En fonction du déroulement de la séance, l'indépendance pourrait être proclamée" de façon unilatérale, a précisé la source au gouvernement régional.
M. Puigdemont avait auparavant assuré que son gouvernement s'apprêtait à passer à l'acte "à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine".
Le gouvernement séparatiste affirme que le "oui" à l'indépendance a obtenu les voix de "90%" des 2,26 millions de votants (42,3% de participation) au référendum, un scrutin sans listes électorales, sans observateurs et qualifié d'anticonstitutionnel par la justice espagnole.
Depuis la consultation, marquée par des violences policières, le ton n'a cessé de monter entre Madrid et Barcelone.
Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a déclaré devant les députés européens qu'il était "grand temps de dialoguer, de parler, de trouver une voie en dehors de l'impasse et de travailler conformément à l'ordre constitutionnel espagnol".
Mais Carles Puigdemont a surenchéri mercredi soir dans son duel avec Madrid et a répondu au roi Felipe VI, qui 24 heures plus tôt avait accusé les autorités catalanes de manifester une "déloyauté inadmissible" en ignorant les lois et la Constitution.
Dans une allocution télévisée, M. Puigdemont a estimé que le souverain avait "délibérément ignoré des millions de Catalans".
Et le porte-parole du gouvernement catalan, Jordi Turull, a accusé le roi d'avoir "jeté de l'huile sur le feu".
M. Puigdemont a déclaré avoir reçu des offres de médiation pour chercher une solution avec le pouvoir central. Un scénario qui a été officiellement rejeté mercredi soir par Madrid, du moins tant que le président séparatiste catalan ne retirerait pas sa "menace de rupture".
"Si M. Puigdemont veut parler ou négocier, ou envoyer des médiateurs, il sait parfaitement ce qu'il doit faire auparavant: se remettre dans le chemin de la loi, qu'il n'aurait jamais dû quitter", a déclaré le gouvernement dans un communiqué.
Le gouvernement "n'acceptera aucun chantage", prévient le communiqué, qui ajoute à l'adresse de M. Puigdemont: "Retirez la menace de la rupture".
Felipe VI avait aussi reproché au gouvernement régional catalan d'avoir bafoué "de façon répétée (...) et délibérée" la Constitution et de "mettre en danger la stabilité" de la Catalogne et de toute l'Espagne.
Dans son discours, il avait martelé qu'il était de "la responsabilité des pouvoirs légitimes de l'Etat d'assurer l'ordre constitutionnel", ouvrant la voie à de nouvelles mesures du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy contre les dirigeants indépendantistes.
M. Rajoy pourrait notamment invoquer l'article 155 de la Constitution, jamais encore utilisé, qui lui permettrait de prendre le contrôle des institutions en Catalogne.
La première réaction de l'Etat après l'allocution royale a été la convocation pour inculpation du chef de la police catalane Josep Lluis Trapero, dans le cadre d'une "enquête pour sédition", passible de quinze ans de prison pour un fonctionnaire.
La police catalane a en effet été accusée d'avoir tardé à intervenir pour dégager des Gardes civils encerclés par des manifestants le mois dernier.
Les images des interventions brutales de policiers casqués pour fermer des bureaux de vote, qui ont fait au moins 92 blessés, ont fait le tour de la planète et indigné les Catalans de tous bords.
Et dans cette région où vivent 16% des citoyens espagnols, le discours de fermeté du roi a été généralement mal reçu.
Le gouvernement catalan "a l'initiative, et le gouvernement central court derrière en essayant maladroitement de boucher les trous", a estimé Antonio Torres del Moral, professeur de droit constitutionnel à l'Université d'enseignement à distance (UNED).
La très grande majorité des Catalans (80% selon les sondages) souhaitent un référendum légal. Mais ils sont partagés sur la sécession: le dernier sondage des autorités catalanes, publié en juillet, montrait que les adversaires de l'indépendance étaient plus nombreux que ses partisans (49,4% contre 41,1%).