En pleine pandémie du Covid-19 et alors que le traitement à la chloroquine, qu'il a été parmi les premiers à préconiser pour guérir les malades atteints du nouveau virus, crée la polémique en France, le professeur anticonformiste Didier Raoult fait à nouveau parler de lui en sortant un livre au titre bien évocateur «Épidémies: vrais dangers et fausses alertes».
Dans ce livre paru aux éditions Michel Lafon et qui sort jeudi en France, le médecin marseillais, dont le nom est sur toutes les lèvres ces derniers jours, fait le point sur les connaissances de la science et consacre tout un chapitre aux fameux Coronavirus, une très large famille de virus qui doivent leur nom au fait qu’ils semblent dotés d’une couronne.
Preuve de cet engouement pour le livre qui circule déjà en version pdf, plusieurs titres de presse de France se sont empressés d’en publier quelques extraits. Le Point, par exemple, publie depuis mardi l’intégralité du chapitre 8 consacré aux coronavirus, une façon intelligente de fidéliser les lecteurs et de tenir en haleine ceux qui n’auront pas accès de sitôt au livre. Confinement oblige!
«Anthrax, chikungunya, Ebola, grippes aviaires, H1N1, Zika, SARS-coronavirus, MERS-coronavirus... Pour toutes ces épidémies, on a prédit des millions de morts: il n'en a rien été. Qu'en sera-t-il du coronavirus chinois qui provoque une panique mondiale? Cet affolement provient en grande partie des exagérations de la presse, qui sait que la peur "fait vendre". Mais que nos gestionnaires -les politiques- surfent à leur tour sur le pire peut être lourd de conséquences. Nous avons affaire à des événements que la science elle-même peine à expliquer, telles la transmission accélérée des épidémies à leur début, leur variation saisonnière et... leur disparition spontanée sans raison apparente. Dans ces conditions, brandir chaque jour le nombre de nouveaux cas et de morts comme un épouvantail ne sert qu'à provoquer des réactions disproportionnées par rapport aux risques réels qui, eux, ne peuvent qu'être négligés dans le même temps», écrit d’emblée le professeur Raoult dans un avant-propos, donnant au lecteur un avant-goût de ce brûlot qui fera couler, à coup sûr beaucoup d’encre, aussi bien de la part de ceux qui approuvent ses théories ou de ceux qui questionnent sa déontologie. Mais les deux camps s’accordent sur la sommité qu’il est dans la communauté des savants.
Coup savamment orchestré ou simple hasard de calendrier, le fait est que le livre de Didier Raoult fera date et sera largement commenté, alors que la controverse ne cesse d’enfler en France -qui recense ses morts par centaines-, autour de ce scientifique atypique, et que le traitement qu’il préconise pour faire soigner les malades atteints de Covid-19 divise non seulement la communauté scientifique en France mais également la classe politique.
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Dès l'introduction, l'auteur, infectiologue et professeur de microbiologie, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté de médecine de l'université d'Aix-Marseille et à l'IHU Méditerranée Infection se veut rassurant: «toutes les épidémies potentielles prétendument effrayantes groupées depuis vingt ans ont difficilement dépassé 10.000 morts, dans un monde où l'on observe 56 millions de décès par an. Pas très impressionnant. En revanche, d'autres épidémies ont été négligées, dont le choléra en Afrique et surtout à Haïti, qui a tué 10.000 personnes, et le typhus en Afrique de l'Est qui a, lui aussi, fait 10.000 morts. L'énorme épidémie de clostridium difficile, pour sa part, tue entre 60.000 et 100.000 personnes par an dans le monde. Enfin, concernant l'affolement face aux maladies vectorisées, comme chikungunya ou Zika, on ne peut qu'être frappé par la faible mortalité et le peu de cas existant en France, comparés à l'énorme couverture médiatique dont ils ont fait l'objet et au coût politique des décisions liées à toutes ces alertes».
Pour ce qui est du Coronavirus, cet « ennemi invisible » auquel le monde entier a déclaré la guerre sanitaire, ce spécialiste en maladies infectieuses qui a découvert avec son équipe, plus de soixante nouveaux virus dont les mimivirus (ou virus géants), lui consacre tout un chapitre.
Didier Raoult y souligne que «la description de ce nouveau virus par la Chine a entraîné, comme on le sait, une hystérie mondiale en dépit du fait que très rapidement on ait identifié que la mortalité était moindre que celle annoncée au départ. C’est un phénomène général».
Selon cette sommité scientifique, reconnue à l’échelle internationale, la situation épidémiologique en Chine n’est «peut-être pas reproductible en dehors de la Chine. Il faut toujours avoir à l’esprit que les maladies infectieuses sont des maladies d’écosystème. La vision pasteurienne, un microbe, un homme, point final, comme celle de Koch, sont des notions intéressantes mais elles datent du XIXè siècle, elles n’expliquent qu’une petite partie des choses. Il y a la variabilité des microbes, du nombre de microbes, de l’hôte, de la voie de transmission, même dans les maladies interhumaines. Ce qui fait qu’on ne peut pas étendre l’épidémiologie de ce que l’on voit dans un endroit au reste du monde. D’autant que le rôle des saisons et de la température reste inconnu dans ce domaine».
D’après lui, «ces nouvelles infections virales font que les coronavirus sont en train de remplacer les fièvres hémorragiques dans l’imaginaire collectif». D’ailleurs, affirme-t-il, «on voit combien la dernière épidémie d’Ebola est méprisée alors que ces épidémies avaient l’habitude de faire la une des journaux. La peste, le typhus et le choléra qui terrorisaient nos ancêtres sont méprisés de la même façon». «Ces nouveaux coronavirus permettent de relancer l’angoisse liée aux épidémies tout en négligeant les vraies causes infectieuses qui continuent à persister», observe-t-il.
Prônant un discours sage et apaisé, Didier Raoult replace les choses dans leur proportion, en soulignant que «malgré tous ces "drames" successifs autour des nouveaux virus respiratoires, la mortalité par infections respiratoires ne cesse de diminuer et que, selon les éléments que nous avons, les infections respiratoires bactériennes et virales qui étaient à l’origine de 4,5 millions de morts par an il y a encore trente ans, tuent actuellement 2,6 millions de personnes, soit une régression spectaculaire, due à l’amélioration des conditions d’hygiène, l’usage des antibiotiques qui permet de diminuer les surinfections mortelles, et la vaccination contre les pneumocoques des très jeunes enfants (qui protège aussi les personnes plus âgées)».
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Dans ce chapitre, le professeur français, comme pour narguer la gestion de son pays de l’épidémie de Coronavirus, qui a fait, selon le dernier bilan officiel, 1.331 décès et plus de 25.000 contaminations confirmées, rend hommage à la célérité des Chinois. «La vitesse de réaction des Chinois dans la gestion des épidémies a été stupéfiante, en particulier dans son évaluation des molécules anti-infectieuses. Ils ont pu rapidement montrer que la chloroquine, un des médicaments les plus prescrits au monde et les plus simples, est peut-être le meilleur traitement des coronavirus et la meilleure prévention. Ce qui en ferait une des infections respiratoires les plus simples à prévenir et à traiter», souligne Didier Raoult, qui a défié les autorités sanitaires françaises en prescrivant aux malades admis dans l’institut qu’il dirige à Marseille, la Chloroquine, cette molécule «miracle» qui divise la communauté scientifique, lançant un mouvement de «désobéissance» médicale inédit, rapidement suivi en cela par d’autres hôpitaux de France.
Didier Raoult, anticonformiste qu’il est, profite de ce brûlot pour régler ses comptes non seulement avec certains de ses confrères à l’ego trop gonflé qui n’admettent pas qu’un scientifique de province vienne donner des leçons aux sommités de Paris, mais également avec certains titres de France, commentent les médias.
«Le risque que le coronavirus chinois change les statistiques de mortalité française ou mondiale est nul. Il y a dans cette disproportion entre réalité et bruits plusieurs éléments: la peur des maladies nouvelles, l’intérêt des laboratoires qui vendent des antiviraux (Gilead a fait une progression boursière spectaculaire), l’intérêt de ceux qui produisent des vaccins par précaution (bien que l’on ne sache pas si la maladie sera encore là dans un an), de ceux qui sont heureux d’être sur un plateau de télévision comme experts virtuels, de ceux qui font de l’audimat sur la peur, et de ceux qui se voient en sauveurs providentiels. Cet événement aura confirmé pour moi qu’il y a plus de vérités dans les réseaux sociaux et que la labellisation «fake news» est parfois l’arme désespérée de certains médias pour continuer à exister», affirme-t-il, soulignant que l’une de ses vidéos dans laquelle il avait diffusé l’information des autorités chinoises sur l’usage de la chloroquine et son dérivé, l’hydroxychloroquine, et sur son efficacité dans les études préliminaires sur 100 cas, a temporairement été étiquetée «fake news» par le détecteur du journal Le Monde, ainsi que par le ministère de la Santé.
Face à la cacophonie générale entourant le nouveau virus, le scientifique français, conscient qu’il est de plus en plus «difficile de savoir de quoi on parle», il a décidé de créer une chaîne d’information, alimentée hebdomadaireemnt sur Youtube, intitulée «On a le droit d’être intelligent», «dans le cadre de la défense des minorités opprimées», affirme-t-il.
Et de conclure qu’il y a vingt virus associés aux infections respiratoires qui circulent dans le monde. «Peut-être que le coronavirus de Chine deviendra le vingt-et-unième, ni plus ni moins grave, peut-être disparaîtra-t-il momentanément (le coronavirus du SRAS a disparu depuis 17 ans déjà) ou définitivement, peut-être restera-t-il limité à un écosystème spécifique (lié aux chameaux), comme le Coronavirus d’Arabie Saoudite (MERS corona). L’avenir nous le dira!»
Classé parmi les dix premiers chercheurs français par la revue Nature pour le nombre de publications (plus d'un millier à son actif) comme pour le nombre de citations reprenant ses travaux, Didier Raoult est une référence mondiale pour la fièvre Q et la maladie de Whipple. Il est également lauréat du Grand prix Inserm 2010 pour l'ensemble de sa carrière.
Mardi, il a annoncé qu’il ne participerait plus aux prochaines réunions du conseil scientifique mis en place par le Président Emmanuel Macron pour conseiller l'exécutif sur la maladie. Une façon à lui de signifier son désaccord avec la gestion du gouvernement français de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Coronavirus.
«Ce conseil ne correspond pas à ce que je pense devoir être un conseil stratégique», a-t-il expliqué dans une vidéo postée par l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée infection qu'il dirige, et relayée par un compte Twitter certifié à son nom.