C'est la première fois qu'un grand musée occidental offre au public iranien une telle variété de chefs-d'œuvre. L'événement traduit la volonté de la France de renforcer les liens historiques forts qui l'unissent à l'Iran en dépit de la passe difficile que traversent les relations entre Paris et Téhéran, sur fond de dissensions relatives à des questions politiques et sécuritaires.
L'exposition, qui doit être inaugurée lundi en présence des ministres des Affaires étrangères français et iranien, Jean-Yves Le Drian et Mohammad Javad Zarif, doit ouvrir ses portes au public mardi au musée national d'Iran, dans le centre de Téhéran.
Les pièces ont été acheminées de France en Iran par avion-cargo. "L'idée était d'amener en quelque sorte le Louvre aux Iraniens donc on a essayé de faire un choix qui est représentatif de l'ensemble du musée, des huit départements du Louvre -des sculptures, des antiquités, des peintures et sur une chronologie extrêmement large parce que nous présentons également dans la dernière salle des oeuvres d'art contemporain et des œuvres entrées dans la collection assez récemment", a déclaré à l'AFP Judith Hénon, une des commissaires de l'exposition.
Son ouverture marque l'aboutissement de deux ans de travail depuis la signature d'un accord de coopération culturelle franco-iranienne en marge d'une visite du président iranien Hassan Rohani en France, en janvier 2016.
"Les relations entre la France et l'Iran sont anciennes, profondes puisque la France était pionnière dans l'exploration du patrimoine archéologique [iranien] avec les fouilles de [la cité antique de] Suse notamment", relève Jean-Luc Martinez, président du Louvre, vantant "une exposition complètement inédite [...] construite pour le public iranien".
Avant la Révolution islamique en 1979, la France a entretenu des liens forts avec l'Iran. Achevé en 1938, le musée national d'Iran a été construit sous la direction de l'archéologue et architecte français André Godard.
Alors que l'Iran était au XIXe siècle l'objet d'un "Grand Jeu" entre les Empires britannique et russe qui cherchaient à imposer leur influence sur ce qui s'appelait alors la Perse, la France avait la haute main sur les affaires archéologiques locales. Dans ce domaine, "la France a eu un peu la priorité a la fin du XIXe siècle", à tel point que le service des antiquités iranien a été créé par un Français, en 1930, relève Julien Cuny, un commissaire de l'exposition et spécialiste de l'Iran.
"A l'époque, les Britanniques cherchaient du pétrole et nous on faisait de l'archéologie. A l'époque, les deux pays qui avaient un intérêt impérial sur l'Iran, c'était la Russie et la Grande-Bretagne et nous on faisait des choses beaucoup plus désintéressées", note un diplomate. Ironie de l'Histoire, l'exposition s'ouvre en période de turbulences diplomatiques entre la France et l'Iran.
Venu à Téhéran pour demander à l'Iran, dans un "dialogue franc et exigeant", des gages sur son programme balistique et ses ambitions régionales afin de tenter de sauvegarder l'accord sur le nucléaire iranien de 2015, menacé par les États-Unis, Jean-Yves Le Drian a été l'objet d'attaques féroces de la presse ultraconservatrice iranienne.
Alors que l'Iran critique "l'extrémisme" dont font preuve selon lui les pays européens à son encontre, le domaine culturel semble apporter une occasion de mettre l'accent sur les aspects positifs de la relation franco-iranienne, qui s'illustrent aussi sur le plan économique avec le retour en Iran d'entreprises comme Peugeot, Renault et Total.
"Cette exposition reflète l'ambition partagée de densifier notre relation bilatérale", dit un autre diplomate français. "Elle s'inscrit dans notre volonté de dire: on ramène l'Iran sur la voie de la normalisation internationale".