Des milliers de Catalans étaient massés dimanche matin devant les bureaux de vote pour participer au référendum d'autodétermination, interdit par la justice mais que l'Exécutif catalan a assuré pouvoir organiser, lançant un défi sans précédent à l'Etat espagnol.
"Nous pouvons tenir un référendum d'autodétermination assorti de garanties comme nous nous y étions engagés", a déclaré à 8h00 (06h00 GMT) le porte-parole du gouvernement régional Jordi Turull.
Il a affirmé que l'exécutif catalan disposait d'un "recensement universel" qui permettrait aux électeurs de voter dans n'importe quel bureau de la région.
Et pendant ce temps à Barcelone, sous des nuages gonflés de pluie au petit matin, à Gérone, bastion du président séparatiste catalan Carles Puigdemont ou à Figueras, la ville chère au peintre Dali, des Catalans se sont rassemblés dès l'aube pour "défendre" les centres de vote.
"En Catalogne nous ... pensons qu'il est essentiel de décider si nous voulons continuer à rester dans l'Etat espagnol", déclarait à l'AFP Pau Valls, un étudiant en philosophie âgé de 18 ans.
"C'est historique, c'est mai 68", s'enthousiasmait un militant pro-référendum.
Pau Valls avait décidé de camper dès la veille devant le collège Jaume Balmes, l'un des 2.300 bureaux que l'exécutif régional assure avoir mis en place pour permettre à 5,3 millions de Catalans de s'exprimer entre 9h00 (07H00 GMT) et 20h00 (18h00 GMT).
Le 6 septembre, les indépendantistes majoritaires en Catalogne depuis septembre 2015 avaient convoqué ce référendum, malgré l'interdiction de la Cour constitutionnelle et l'absence de consensus au sein de la société catalane.
La région, où l'indépendantisme gagne du terrain depuis le début des années 2010, est en effet divisée presque à parts égales sur l'indépendance.
Mais les Catalans souhaitent majoritairement, à plus de 70%, un référendum d'autodétermination légal.
Depuis le 6 septembre ni les poursuites judiciaires ni les arrestations ou perquisitions n'ont dissuadé les indépendantistes de cette région où vivent 16% des habitants du pays d'organiser le scrutin interdit.
Lors d'un entretien avec l'AFP samedi Carles Puigdemont a expliqué ressentir "une grande responsabilité".
"C'est un moment grave", a-t-il dit en confirmant qu'en cas de victoire du oui il y aurait des "décisions politiques" qui pourraient déboucher sur une déclaration d'indépendance entraînant une phase de "transition" où il négocierait le départ de la Catalogne.
Les conséquences d'une sécession de cette région, qui compte pour 19% du PIB du pays, grande comme la Belgique, sont incalculables, comme celles du Brexit déclenché lui aussi par un référendum, en juin 2016.
Elles inquiètent beaucoup d'Espagnols qui sont pour la première fois descendus dans la rue par milliers samedi pour protester contre le référendum jugé non représentatif. "La Catalogne, c'est l'Espagne", lisait-on sur certaines des pancartes qu'ils exhibaient.
Et dimanche la Une grave du quotidien El Pais assurait que la démocratie espagnole était "face à son plus grand défi" depuis la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.
Les séparatistes affirment avoir déclenché une "révolution des sourires", et se mobilisent jour après jour avec des slogans positifs sur "l'amour de la démocratie" où armés d'oeillets rouges.
Le gouvernement de Mariano Rajoy leur répond que ce type de consultation n'est pas reconnu par la Constitution.
Plusieurs journalistes de l'AFP ont observé comment, vers 7h00 (05h00 GMT), des policiers catalans commençaient à s'approcher des bureaux de vote sans cependant intervenir pour déloger les manifestants.
A 6h50 du matin à Barcelone, devant le lycée Escuela Vedruna de Gracia, deux Mossos d'Esquadra (la police catalane) ont ainsi fendu la foule qui avait afflué au petit matin.
Mais les policiers n'ont pas pu rentrer, bloqués par l'assistance. Ils ont alors demandé qui était le "responsable", une question suivie d'un silence de mort... puis une clameur: "Tous!".
Puis les deux policiers se sont éloignés, sous les applaudissements de la foule qui criait: "Votarem!", "Nous voterons!".
Des urnes en plastique blanc transparent ont commencé à arriver dans les bureaux, apportées à toute allure par des militants protégés par la foule.
Les séparatistes ont prévu d'organiser le vote dans toutes sortes d'endroits: établissements scolaires, couvent, centres de santé, maisons de retraite, musées...
Les autorités craignent l'arrivée de groupes d'extrême gauche ou d'extrême droite qui pourraient provoquer des troubles et Madrid a dépêché dans la région 10.000 policiers et gardes civils.
Il y aura "une grande mobilisation", mais il ne s'agira en aucun cas d'un "référendum d'autodétermination en bonne et due forme assorti de garanties et ayant des conséquences légales", avait déclaré samedi le préfet Enric Millo.
"Nous devons terminer ce processus comme nous l'avons commencé, pacifiquement", a déclaré Carles Puigdemont à l'AFP, se voulant rassurant.
Toutefois, peu avant l'ouverture des bureaux de vote vers 9H00 (07H00 GMT), les policiers casqués ont formé un cordon autour du centre sportif de Gérone où le président indépendantiste de Catalogne Carles Puigdemont devait déposer son bulletin, pour éloigner la foule, puis ont forcé l'entrée pour saisir le matériel de vote.